Chroniques martiennes, grand classique de la science-fiction, raconte l’histoire des Terriens qui colonisent Mars sur plusieurs années à travers différentes nouvelles reliées entre elles. En effet, l’auteur américain raconte chronologiquement (de 2030 à 2057 dans l’édition la plus récente) plusieurs petites histoires où les personnages (sauf quelques exceptions) et situations changent, mais rappellent régulièrement ce qu’il y a eu auparavant. L’écriture de Bradbury est à la fois simple et efficace, mais ce dernier donne également un caractère poétique et nous emporte dans des très belles envolées lyriques. Chroniques martiennes est à la fois drôle, intelligent et émouvant. L'auteur questionne continuellement la position de l’humanité face à la colonisation et renvoie énormément à notre propre histoire. Il propose un effet miroir et nous met face à nos plus grandes vérités pour parler d’énormément de thématiques toutes plus universelles les unes que les autres.
Tout d’abord, L’Été de la fusée (Janvier 2030) raconte le premier décollage d’une fusée allant sur Mars. La puissance de feu de cette dernière donne une énorme canicule sur la Terre. Bradbury démontre les effets climatiques et écologiques auxquels les Terriens sont opposés dans cette très courte nouvelle. On comprendra par la suite que c’est le départ de la première expédition avec à son bord deux astronautes.
Ylla (Février 2030) parle de Mr. K et Mrs. K, un couple de martien (décrit comme des êtres avec la peau cuivrée et des yeux d’or) avec une vie paisible, mais ennuyeuse. Mrs. K rêve régulièrement de Terriens arrivant sur Terre, sans le savoir elle fait une prémonition. Bradbury touche déjà le lecteur avec cette femme dont on sent une forme d’isolement et tente de s’échapper de sa vie fastidieuse. Son mari, jaloux de ses rêves, comprend que cela est vrai et va tuer ses deux Terriens (Nathaliel York et Bert) qui arrivent sur Mars. Ainsi la malheureuse Mrs. K ne sera jamais libre, emprisonnée dans son carcan et toujours sous l’emprise de son mari.
La Nuit d’Été (Août 2030) est une courte nouvelle où des Martiens entendent et chantonnent des musiques qui traversent leur esprit. Ce sont des musiques Terriennes, on y voit une forme de fatalité et des signaux à l’arrivée prochaine des humains sur Mars. C’est une nouvelle mystérieuse et mystique où se baignent les parfums des chaleurs estivales.
Les Hommes de la Terre (Août 2030) énonce l’arrivée de la deuxième expédition sur Mars. Elle se compose de quatre hommes, dont le Capitaine Williams. Ces derniers pensent être applaudis et reçus de manière prodigieuse, mais il n’en est rien. Les Martiens ignorent totalement leur arrivée et se moquent d’eux en leur disant d’aller voir un tel puis un tel. Les explorateurs se retrouvent avec un docteur et sont envoyés finalement dans un asile psycatrique. Le docteur pense que ce sont des malades ayant des capacités d’hallucinations incroyables. Le Capitaine Williams donne des preuves de leur arrivée en montrant la fusée, mais le docteur pense toujours qu’il est fou et qu'il a des capacités psychiques permettant de projeter des images venant de leur esprit. La seule solution pour le docteur est de tuer les quatre explorateurs, mais ce dernier se tue également pensant qu’il a été piégé par le pouvoir de Williams. La nouvelle est rocambolesque et drôle malgré la morbidité finale de l’histoire, car le docteur est totalement loufoque. Cela montre également de façon inconsciente la répulsion des Martiens à un débarquement des humains sur Mars.
Le Contribuable (Mars 2031) fait revenir l’œuvre sur Terre en expliquant le désarroi d’un homme voulant absolument quitter la Terre pour aller sur la planète rouge. Le lecteur comprend ainsi que sur Terre a débuté une guerre nucléaire où le monde est à deux doigts de tomber en éclat. L’histoire forme un grand désespoir et Bradbury pointe son côté pessimiste.
La Troisième expédition (Avril 2031) continue dans la lancée des explorations martiennes. Cette fois-ci le groupe est composé de dix-sept hommes avec en-tête le Capitaine John Black. Ils se posent sur Mars et découvrent une ville totalement similaire à la ville de leur enfance. Surpris, ils enquêtent sur les lieux et pensent qu’ils sont peut-être retournés dans le passé. Des visages familiers renaissent et certains explorateurs revoient des proches ayant disparu. Totalement euphoriques, ils ne se posent pas de question, excepté Black jusqu’à ce qu’il voit son frère. Il tombe également dans le panneau. Il retrouve également ses parents et ainsi, il retombe en enfance. Les familles disent qu’après leur mort, ils ont eu une deuxième chance et qu’ils ont atterri ici sans savoir pourquoi. Black se laisse bercer par sa joie, mais en essayant de dormir, il comprend le piège, car ce sont les Martiens qui ont pris l’apparence des êtres humains. Black comprend la vérité et tente de fuir, mais son faux frère le tue. Bradbury parle de choses très intimes et métaphysiques. Il parle de deuil et de vie après la mort, il coule au sein de la nouvelle une grande mélancolie et nostalgie lorsque les astronautes retrouvent leur famille. La fin est donc une belle désillusion à la fois onirique et cauchemardesque.
…Et la lune qui luit (Juin 2032) se concentre sur la quatrième et dernière expédition avec en-tête le capitaine Wilder, le médecin Hathaway, le soldat Parkhill et surtout l’archéologue Spender. Ces derniers trouvent des cités martiennes totalement abandonnées et Hathaway comprend que les Martiens ont été totalement décimés à cause d’une épidémie de varicelle. En fouillant les vestiges, Spender tombe totalement sous le charme et reconstitue des souvenirs martiens qu’il n’a pas vécus. Il se met en tête de tuer le groupe d’explorateurs pour qu’il ne nuise pas à Mars. Sa peur la plus grande est que les humains colonisent Mars et répètent les mêmes erreurs perpétrées sur Terre. Dans un final digne d’un western, Spender et le groupe restant s’affrontent. Une discussion philosophique et prenante s’entame entre Spender et Wilder qui à la fois trouve fou ce dernier, mais l’admire pour son courage et sa détermination à vouloir protéger les ruines martiennes. Finalement, Wilder tue à contre-coeur son compagnon et l’enterre dans un cercueil martien. Bradbury explore les tréfonds d’un homme voulant faire le bien pour Mars, mais il est obligé de tuer pour faire cela. Le propos est très nuancé et l'auteur traite ainsi de la future colonisation humaine. Comme à son habitude, l’humain va s’approprier des terres qui ne lui appartiennent pas et va détruire tout sur son passage. C’est une nouvelle prenante pour son discours, mais aussi ses descriptions des vestiges totalement énigmatiques, anciens, sensoriels et splendides.
Trois petites nouvelles s’enchaînent avec d’abord Les Pionniers (Août 2032) où Bradbury décrit le voyage des premiers humains non explorateurs qui vont s’installer sur Terre. Par le titre, Bradbury renvoie à l’imagerie de la Conquête de l’Ouest avec ses hommes allant vers les terres inconnues pour tenter une nouvelle vie. S'ensuit Le Matin vert (Décembre 2032) où Benjamin Driscoll, un agriculteur veut faire pousser plein de plantes pour que l’air soit plus respirable. En une vitesse éclair, la nature fait son apparition et démontre toute sa beauté. Bradbury prouve encore son approche très sensible de la nature et à sa somptuosité. Les Sauterelles (Février 2033) est la suite logique avec une représentation de l’arrivée en masse des pionniers qui sont comparés à des milliers de sauterelles.
Rencontre nocturne (Août 2033) suit le récit de Tomás roulant avec sa camionnette sur Mars et traversant des ruines martiennes. Il rencontre ensuite par hasard un Martien. Ils arrivent à communiquer grâce à la télépathie de celui-ci. Ce dernier lui dit qu’il se rend à un festival dans la ville martienne la plus proche, mais Tomás lui rétorque que la ville est en ruine et qu’aucun festival n’a lieu. Le personnage se rend dans une ville bâtie par les Terriens, mais le Martien ne voit pas cette ville. Les deux personnages ne comprennent pas et voient que leur corps se traverse comme si les deux étaient en état fantomatique. Ils s’aperçoivent alors qu’ils sont séparés par plusieurs siècles dans le temps. Tous les deux sont ébahis et partent chacun de leur côté. Bradbury explore la question du temps et de l’espace-temps. C’est une histoire réflexive troublant notre perception de la réalité. C’est aussi très touchant dans l’approche descriptive à la fois par le contexte nocturne et isolé où se déroule la scène, puis par cette rencontre singulière entre deux personnages séparés par le temps.
Le Rivage (Octobre 2033) est une courte nouvelle où Bradbury raconte l’installation définitive des Terriens sur Terre. Elle fait le pont avec Les Ballons de feu (Novembre 2033), mon histoire préférée (avec …Et la lune luit et Rencontre nocturne) de l’œuvre. Nous suivons deux prêtes, le père Peregrine et le père Stone. Peregrine se questionne sur la perception du péché au sein de l’univers martien et se demande si cela est comparable à notre monde. Ce dernier a entendu parler de Martiens encore vivants dans une ville proche de leur base. Stone refuse de les faire baptiser, car il pense qu’il est inconcevable de faire devenir chrétien des êtes venues d’un autre monde, mais il est contraint de suivre son ami. Ils découvrent ces fameux Martiens, mais ils sont sous la forme d’une sphère bleue et non physiquement normale. Peregrine est ébloui par cette vision et se laisse emporter par un flot de souvenirs en comparant ces sphères bleues à des ballons de feux qu’il apercevait avec son grand-père lors d’une fête dans sa ville d’enfance. Peregrine est sur le point de tomber dans un ravin, mais les Martiens lui sauvent la vie. L’homme est totalement épaté et admire avec férocité ses sphères qu’il veut aider. Il essaie de convaincre son ami Stone, mais ce dernier ne le croit pas jusqu’à ce que Peregrine fait exprès d’essayer de se tuer afin que les Martiens lui sauvent encore une fois la vie. Les deux hommes reviennent dans ce lieu et tentent de communiquer avec les Martiens. Une très belle discussion s’entame où les Martiens annoncent qu’ils ont été auparavant des gens faits de chair et de sang, mais qu’ils ont décidé de prendre une nouvelle forme pour ne pas céder dans l’oisiveté et dans l’inutilité matérielle de la vie. Ils évident ainsi les disputes, les guerres, la jalousie, l’envie, la richesse, etc. Touché par cette déclaration, Peregrine décide de ne pas convaincre les Martiens de devenir chrétien et préfère les laisser seuls. Stone est troublé par ce discours et il est convaincu de la beauté de ces êtes. Une très belle discussion s’entame où les Martiens annoncent qu’ils ont été auparavant des gens fait de chair et de sang, mais qu’ils ont décidé de prendre une nouvelle forme pour ne pas céder dans l’oisiveté et dans l’inutilité matérielle de la vie. Ils évident ainsi les disputes, les guerres, la jalousie, l’envie, la richesse, etc. Touché par cette déclaration, Peregrine décide de ne pas convaincre les Martiens de devenir chrétien et préfère les laisser seuls. Stone est troublé par ce discours et il est convaincu de la beauté de ces êtes. Bradbury décortique la question de la religion et de la spiritualité à travers ce très beau personnage de Peregrine. Il est à la fois un grand amoureux de Dieu, mais ne reste pas obnubilé par sa religion. Il donne une vision progressiste et donne sa chance aux Martiens. Bradbury décrit des êtres d’une grande somptuosité et montre ainsi que l’être humain devrait prendre exemple sur eux et notamment sur la pureté de leur âme. C’est également une histoire très mélancolique où se mêlent souvenir et nostalgie à travers les visions de Peregrine.
Chroniques martiennes continue avec trois nouvelles plus ou moins très courtes. La première Intérim (Février 2034) accentue la manière dont les Terriens se sont approprié Mars en y installant de nombreuses églises, des plantations typiques des paysages de l’Iowa, en y décrivant les activités des Hommes… Avec intelligence et efficacité, Bradbury résume la conquête totale des humains sur Mars. Cela montre également que les Terriens ont toujours cette envie d’être rattachés à ce qu’ils connaissent. Signe marquant d’une peur de l’inconnu et d'une attache à leur racine. Les Musiciens (Avril 2034) est une histoire très passionnante où des enfants de colons s’amusent à aller dans les vestiges martiens pour jouer. Ils prennent des ossements pour s’amuser à faire de la musique, mais cela ne plaît pas du tout à leurs parents. Des hommes appelés des « Pompiers » vont alors brûler et détruire tous les objets pouvant être utilisés comme jouet pour les enfants. Cela fait un rappel considérable à sa future œuvre culte Fahrenheit 451 où dans un monde totalitaire, des pompiers brûlent des livres, car ils sont interdits. Mars évolue alors en un lieu où l’Homme pose ses lois et commence à interdire des choses. Ici, l’amusement et le divertissement sont condamnés, mais aussi l’art, car les enfants s’amusaient à jouer de la musique. La nouvelle suivante, Les Grands espaces (Mai 2034), nous fait retourner sur Terre où l’on suit la petite histoire de deux sœurs qui vont partir sur Mars pour rejoindre leur conjoint. Là, se trouve toute la beauté du style de Bradbury qui nous fait jongler dans nos émotions. Entre nostalgie de partir de la Terre et espoir d’un nouveau départ sur Mars, l’auteur propose une écriture contemplative pour nous transporter dans l’état mental de Janice et Leonara.
Tout là-haut dans le ciel (Juin 2034) nous invite toujours à rester sur Terre. Bradbury parle du départ imminent de la communauté afro-américaine sur Mars. Cela déplaît fortement à Samuel Teece, un quincailler complètement raciste. Il tente de retenir d’abord un homme à qui il doit une dette. Mais les autres noirs par solidarité vont payer la dette de leur ami pour qu’il puisse prendre la fusée partant sur Mars. Teece essaie de retenir Simplet, son serviteur, mais un ami de Teece se sacrifie en disant qu’il fera le travail à la place de Simplet. Ce dernier peut alors partir sur Mars. Nous apercevons la polyvalence de l’écrivain qui traite ici du racisme. La science-fiction permet de traiter de sujet délicat comme celui-ci et de trouver une solution pour le combattre. Bradbury est totalement dans l'air du temps en critiquant le ségrégationnisme de son époque qui sévissait aux États-Unis.
La nouvelle suivante fait lien avec la thématique d’Interim. Dans, L’imposition des noms (2035-2036), les humains encore une fois s’approprient totalement des terres qui ne leur appartiennent pas. Bradbury décrit tous les changements de noms auxquelles opèrent les humains. Ils changent les noms des villes, rivières, montagnes, etc. pour faire référence à leur propre culture et donc en oubliant celle des Martiens. Usher II (Avril 2036) est la confirmation du roman Fahrenheit 451 qu’écrira par la suite Bradbury. En effet, la nouvelle raconte l’histoire de William Stendhal qui une fois installé sur Mars, décide de faire construire une maison faisant totalement référence à l’univers d’Edgar Allan Poe. Stendhal fait cela car il veut se venger de ce qu’on lui a fait subir sur Terre. En effet, des pompiers venaient brûler toutes les oeuvres littéraires. Stendhal veut alors rendre hommage à tous ces écrivains du fantastique et de l’horreur oubliés. Mais, un inspecteur de l’hygiène moral vient lui dire que sa maison va être détruite car il est interdit de faire référence à un monde imaginaire venant du fantastique sur la planète Rouge. Le personnage avait prévu son coup et piège avec son collaborateur Pikes, cet inspecteur mais aussi toute l’institution voulant interdire tout ce qui passionne Stendhal. Il invite tout le monde à venir et commet des meurtres de la même manière que dans les histoires de Poe. Usher II est donc rempli de références à l’auteur avant-gardiste. C’est un conte passionnant car elle mélange plusieurs registres comme la science-fiction bien sûr, l’horreur, la satire ou encore le fantastique.
Les Vieillards (Août 2036) est encore un récit très court où Bradbury détaille l’arrivée des personnes âgées sur Mars. Il montre la finalisation de l’envahissement terrien sur Mars. Le Martien (Septembre 2036) est une autre nouvelle traitant du deuil et des apparences trompeuses comme dans La Troisième Expédition. On y suit un couple de vieillards dont le mari pense avoir vu son fils disparu il y a longtemps. C’est bel et bien son fils, mais Lefarge comprend que c’est un Martien ayant pris l’apparition de son enfant. Il accepte comme tel tandis que la mère fait un déni de la réalité. Malheureusement pour eux, le Martien va prendre l’apparition d’un autre enfant disparu d’une autre famille. Lefarge va tenter de le récupérer et s’aperçoit que beaucoup de monde tentent de le reprendre, car ils vivent la même situation. Le Martien va alors mourir sous cette pression énorme. La fin est très marquante, car elle montre la folie et le désespoir des humains. En même temps, Bradbury forme de l’empathie, car toutes ces familles ont perdu un proche et ce petit Martien était leur seul espoir pour faire revivre leur être manquant.
Le Marchand de bagages (Novembre 2036) fait réapparaître le père Peregrine qui discute avec un marchand de bagages. Ces derniers voient au loin la Terre en feu et en sang. Ils comprennent que c’est la guerre. Le prêtre pense que tous les humains vont retourner sur Terre pour prendre part à la guerre, car ils ne pourront jamais se détacher de leur planète-mère. Bradbury donne un ton comique et ironique alors que la nouvelle est submergée d’un désastre total. En effet, Peregrine dit au marchand qu’il va faire fureur dans les ventes de valises et lui dit d’en préparer une pour lui. C’est à la fois surréaliste, mais aussi rempli de vérité.
Morte-saison (Novembre 2036) rappelle un autre personnage : Parkhill, un soldat de l’expédition de …Et la lune qui luit. Il a ouvert avec sa
femme, un stand de hot-dog et pense faire fortune avec l’arrivée des nouveaux colons. Sauf que ce dernier ne sait pas qu’une guerre nucléaire est enclenchée sur Terre et que tous les humains y
retournent. Un Martien vient l’accoster, mais Parkhill le tue, car il pense qu’il lui veut du mal. D’autres Martiens arrivent, mais ne lui disent rien de son geste. Au contraire, ils cèdent la
moitié de Mars au couple. Heureux Parkhill, s’obstine à penser qu’il va gagner beaucoup d’argent, mais sa femme pense avec ironie qu’il n’en sera rien. Encore une autre nouvelle ironique où
l’avarice d’un personnage se retourne contre lui. C’est aussi une histoire saisissant le départ imminent des humains de la planète Mars.
Les villes muettes (Décembre 2036) parle de Walter Gripp, un homme qui a décidé de ne pas repartir sur Terre avec tout le monde. Il se retrouve seul au milieu de ville totalement déserte. Il est alors question d’errance, mais aussi d’espoir de trouver quelqu’un d’autre. Effectivement, l’homme tente d’appeler au hasard un numéro et tombe sur la très belle voix d’une femme se trouvant beaucoup plus loin. Il veut alors tenter de la retrouver et réussit sauf qu’il est pris d’une mauvaise surprise. Genevieve, la femme en question, n’est pas du tout ce qu’il imagine, car elle est assez insupportable. Encore avec beaucoup d’ironie Bradbury traite cette fois-ci de la peur de la solitude. Bradbury décrit Mars comme une île déserte où un homme tente de s’occuper et de trouver une autre vie humaine. L’auteur propose une description faisant penser à une espèce de road-trip contemplatif sur des paysages faisant penser au désert américain et sa mythologie.
Les Longues années (Avril 2057) se passent vingt après la précédente histoire. Bradbury revient sur un personnage de la quatrième expédition : Hathaway, le médecin. Ce dernier vit dans une hutte sur Mars avec sa femme et ses deux enfants. Le Capitaine Wilder revient sur Mars après vingt années passé dans le système solaire, car il a été écarté à cause de ses idées politiques (se rapprochant sûrement de celles de Spender). Lui et son équipage retrouvent Hathaway avec beaucoup de joie et dînent chez lui. Il remarque quelque chose de bizarre avec la famille qui n’a pas pris une ride tandis que Hathaway a vieilli. Ils découvrent que ce sont des robots construits par Hathaway, car sa famille est décédée il y a longtemps. On sent le poids du temps dans cette nouvelle traitant encore une fois du deuil et de la peur de l’oubli et de la solitude. Bradbury pose des questions phares de la science-fiction : un automate peut-il remplacer un être humain ?
Viendront de douces pluies (Août 2057) décrit la désolation de la Terre après la guerre nucléaire. L’auteur saisit la solitude d’une maison faisant part de toutes ses fonctionnalités (réveil, petit-déjeuner, musique, tâches domestiques, etc.). La maison fonctionne, mais il n’y a personne à l’intérieur. On comprend que l’humanité a quasiment disparu. C’est à la fois tristement percutant et une vision pessimiste permettant une grande réflexion sur notre futur.
Enfin, la dernière nouvelle concluant Chroniques martiennes est Pique-nique dans un million d’années (Octobre 2057). Un père et sa famille ont pu s’échapper de la Terre pour se rendre sur Mars. Le père veut s’y installer définitivement et fait donc exploser leur fusée pour ne pas avoir l’envie de retourner sur Terre. Le père promet à ses enfants qu’ils verront des Martiens. La fin est très troublante et ambiguë. En effet, le père et sa famille se rapprochent d’une rivière et Bradbury décrit qu’ils voient des Martiens. Mais c’est en fait le reflet de leurs visages sur l’eau. Ils sont devenus martiens, comme si c’était la seule et unique solution pour eux de survivre. Ils sont le début d’une autre forme d’humanité et d'une renaissance terrienne.
Pour conclure, Chroniques martiennes est une œuvre polyvalente et en même temps ludique. Bradbury utilise un style très varié, passant par de nombreuses émotions : mélancolie, humour, ironie, désespoir, nostalgie ou encore peur de la solitude, de l'oubli et de la mort. On se laisse emporter par les descriptions poétiques de la planète Mars que propose Bradbury. Elle devient le miroir réflexif de notre monde et de notre histoire. Nous parlons beaucoup de Terriens, mais l'auteur parle avant tout des Américains et n’hésite pas à être critique envers son pays en faisant un parallèle constant entre Mars et les États-Unis. Toutes les histoires sont à la fois reliées, mais peuvent être lues indépendamment. L’écrivain s’investit surtout sur les émotions et la psychologie humaine que sur la technologie et son avancée prodigieuse pour aller sur la planète rouge. Il ne donne pas de discours fastidieux ou complexes sur les machines et la science du futur, car il préfère s’attacher à parler de l'avenir de l’humanité.
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