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Jackson Peter

Braindead (1992)

Avec son dernier film de la trilogie du « mauvais goût », Jackson offre un délire jusqu’au-boutiste et totalement transgressif. Pourquoi ? Parce que l'œuvre, qui prend place dans les années 1950 après qu’un virus sorti des dents d’un singe-rat commence à se propager et à transformer les habitants d’une petite ville en zombie dégoulinant, est un objet hilarant par sa manière de coordonner un carnaval sanguinolent et provocant. Dans cette grosse comédie d’horreur, le cinéaste pousse l’imaginaire très loin tel un sale gosse et renouvelle son récit à chaque instant. Il y une grande inventivité dans ce découpage de corps déchiquetés, de (dé)compositions morphologiques, de putréfactions intestinales et pourrissantes, et de gags autant guignolesques que gores. Le scénario ne casse pas trois pattes à canard même si le jeune couple qui se forme pendant ce massacre crescendo est charmant et aussi le thème de la mère castratrice qui donne un cachet sérieux au métrage. Mais Braindead assume son attitude décalée et sa parodie burlesque afin de fournir des scènes d’anthologies qui égalent la démesure de son style virtuose et plein de dérision artisanale.

Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l'Anneau (2001) (Version Longue)

Peter Jackson apporte un souffle limpide dans cette introduction, à la fois enchanteresse et ténébreuse, d'une saga considérée longtemps inadaptable. On se laisse bercer par son lyrisme spectaculaire, son récit moins développé que le roman, certes, mais fidèlement équilibré et son sens du détails qui emporte dans une grande immersion fantastique. Les nombreux paysages et le travail sur l'immensité des espaces sont soignés comme des tableaux d'une belle lisibilité grâce à un travail prodigieux des échelles, des décors et des effets spéciaux. Le film fait œuvre d'introduction et de découverte, mais emporte déjà par son art de la présentation (le charme pittoresque de La Comté), ses enjeux dramaturgiques, le folklore des races qui se lient, les visions d'une beauté obscure ou d'une noirceur volcanique, les premières résistances contre l'Anneau unique et la terreur frissonnante qu'elle emmène, les combats annonçant les futures batailles épiques ou encore l'onirisme mystérieux et évanescent de certains lieux cryptiques ou êtres divins à la lumière spectrale. Organisé par un rythme voyageur, une liberté de ton hétéroclite et une mise en scène enjouée, le film nous engage dans une vibrante épopée orchestrale.

Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours (2002) (Version Longue) 

Contrairement au roman de Tolkien qui structure une narration découpée en deux gros morceaux, Jackson préfère organiser un récit symphonique qui entremêle parallèlement les plusieurs récits des héros. Ce ton donne un cachet amplement impérieux et plus dantesque que son prédécesseur, car le film peut également complexifier l'ensemble après l'imposante exposition du premier. Cette narration chorale coule harmonieusement et se laisse traverser par des enluminures poétiques (les très beaux flashbacks) mais s'enflamme aussi dans des grands moments épiques et mouvement de foule perpétuel (la langoureuse attente avant l'apogée de la bataille du gouffre d'Helm). L'œuvre aborde donc une dynamique très élaborée en élargissant le réseau des décors, des personnages, des races, des affrontements, des approfondissements psychologiques et moraux, et des enjeux de chacun où s'octroie une gravité plus endeuillée dans les diverses destinées. Plus mortifère (mais toujours avec sa touche d'humour), à l'image des halos bleutés dominants qui parsèment certaines séquences, mais aussi plus excessif, le film réussit à maintenir, avec un architectural geste rythmique, le cap. 

Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du roi (2003) (Version Longue)

La conclusion finale est à la hauteur des attentes, le film est propulsé par un grand spectacle vertigineux qui foisonne par son expansion totale. La maîtrise des espaces est encore plus grandiose, notamment par l’imposante verticalité des lieux et des événements comme la cité blanche de Minas Tirith, les combats contre les Oliphants ou encore la Montagne du Destin à gravir pour Frodo et Sam. En racontant successivement plusieurs tableaux à la fois épique et intime, Jackson trouve l’équilibre parfait entre l’individu et le collectif, car c’est dans Le Retour du roi que l’on ressent le plus les convergences des destins et l’influence des actions personnelles sur le cheminement des héros. Le tout prend une gravité tragi-pathétique et en même temps flamboyante, l’apothéose en est que plus dantesque et certains passages prennent aux tripes grâce à leur densité chevaleresque et leur éblouissement homérique. Par sa longueur, l’œuvre confère toute la majestuosité de la lutte, mais aussi de ses conséquences et de l’impact autant physique que moral sur les personnages. Comme eux, nous sommes épuisés et soulagés, et forcément traversés par une vague d’émotions nostalgiques face à cette épopée intense.

King Kong (2005) (Version Longue)

Un rêve de gosse pour le cinéastes néo-zélandais qui réadapte le mythique King Kong de 1933 en lui rendant hommage mais par-dessus tout en surmultipliant la structure originale du classique. Ce rêve se fait ressentir à tout instant, dans le gigantisme de cette œuvre-monstre qui transpire la passion pour l’aventure pulp et le grand spectacle. Jackson densifie le départ de l’équipe de tournage vers Skull Island, développe le contexte de l’époque (le New York en pleine Grande Dépression) et accroît l’identité des personnages et les différents liens entre eux pour mieux dépouiller la part romantique et écrasante du film. Ce gros morceau est réalisé comme une exploration-orchestre qui fait parfois penser aux superproductions du Hollywood classique. Cet atout façonne d’ailleurs le charme épique de l’œuvre, elle sait aussi être moderne car elle fait coexister brillamment les effets spéciaux et les éléments réels entre eux. C’est un pur objet d’amour et d’enthousiasme qui questionne autant l’amour et ses limites pour l’art que l’amour impossible entre deux êtres complètement antinomiques. Un blockbuster sincère auquel je suis sensible pour son foisonnement dense et sans limite.


Jarmusch Jim

Dead Man (1995)

Dead Man est le Apocalypse Now de Jarmusch, c’est un lent voyage mystique dans les profondeurs d’un milieu hostile : du bourbier infernal de l’industrialisation américaine du XIXe siècle à la nature animiste de l’Ouest. Le cinéaste offre une balade alanguie et spectrale, une errance hallucinatoire et envoûtante, une vision de l’ouest américain complètement spectrale et mortifère. Le personnage campé par Johnny Depp, un comptable sans envergure qui se transforme en une sorte de réincarnation du poète William Blake, pénètre lentement et de façon somnambulique dans cet espace à la temporalité ralentie. Il fait l’expérience étrangement magique d’une mort à petit feu, le rendant absent et stone, comme s’il n’avait pas conscience et de compréhension de ce par quoi il est entouré. C'est pourquoi la mise en scène oscillante de Jarmusch et la musique lancinante de Neil Young nous font suivre le parcours d’un mort-vivant faisant black-out sur black-out. Sa rencontre avec un indien du nom de « Nobody », un être entre vision et invention et né probablement de l'esprit - nappé par le sommeil - de Blake, l'aide à se diriger vers une nuit sacrée et infinie, auquel le cinéaste apporte une ironie élégiaque et infiniment noire.


Jeunet Jean-Pierre

Un long dimanche de fiançailles (2004)

Lancée dans une (en)quête apparemment impossible, Mathilde cherche éperdument l'amour de sa vie, soldat dans la boucherie des tranchées et laissé pour mort par l'armée française. Mais la femme n'y croit pas et sa détermination procure au film sa vitesse d'exécution et son grand souffle romanesque. Jeunet ne lésine pas avec l'imaginaire fantaisiste et pittoresque de la Grande Guerre, de la couleur sépia qui renvoie aux daguerréotypes de l'époque, à sa grande galerie de gueules cassées attachant jusqu'aux ornements fétichistes de la vieille France, mais les horreurs de 14-18 font un contre-point tragique avec tout ce charme enchanteur à l'ancienne. La virtuosité visuelle du cinéaste et ses multiples récits qui mêlent de nombreux points de vue, d'anecdotes drôles ou atroces, de quête mimétique vengeresse et de flash-backs idéalistes, provoquent toute la densité palpitante de ce drame romantique contenant un imbroglio de nœuds scénaristiques à démêler. Tout est lustré à la perfection, parfois avec une ivresse mécanique très obsessionnelle, pour mieux nous plonger dans un passé enjolivé et un lyrisme nostalgique, toujours chamboulé par la solitude et le cœur souffrant, mais obstiné de Mathilde.


Jewison Norman

Le Kid de Cincinnati (1965)

En plein dans les années 20 à la Nouvelle-Orléans, on suit Eric Stoner, un as du poker qui se voit affronter le maître invincible de cet art. Le cinéaste retranscrit toute la moiteur des salles enfumées de poker, des bas-fonds obscurs de la ville jusqu’aux salles d’hôtel plus prestigieuse. Avec son flegme aigri, son léger sourire magnétique et son charisme naturel, McQueen incarne plus qu’un joueur de poker, il joue l’idée d’une obsession ambitieuse, celle d’un acharnement pour gagner avec honneur. Le poker est parfait pour montrer le risque quasi morbide des jeux d’argent, comme si chaque manche était un fil entre la vie et la mort, une tentation entre deux mondes (symbolisé par deux femmes antinomiques). Toute la partie finale est orchestrée avec un suspense haletant, sans temps morts et avec une précision d’orfèvre pour comprendre toute la psychologie entre les joueurs. On ressent toute la fatigue, le temps et la perdition mentale que fait subir la longueur du tournoi, mais surtout la rivalité savoureuse (Robinson en roublard classieux) entre deux hommes entourés par l’opportunisme et la corruption. Ombre et lumière, hasard et fatalité, élégant et pittoresque, fin et exquis, c'est tout cela à la fois. 

L'Affaire Thomas Crown (1968)

L'Affaire Thomas Crown se compose par une finesse au style raffiné et d'une élégante souplesse, autant dans la mise en scène que l'univers luxueux et mondain auquel participe McQueen en millionnaire devenant criminel, car sa vie l'ennuie et Dunaway en enquêtrice glamour qui tombe amoureuse de l'homme. Les split-screens sont l'exemple montrant la sophistication poussée du long-métrage, ils rajoutent un rythme musical et jubilatoire au récit, mais exposent surtout soit la maîtrise et l'intelligence de Thomas pour coordonner ses plans (le braquage) ou soit sa magnificence charismatique (la partie de polo). L'aspect formel peut être clinquant, mais il participe au charme inestimable de l'œuvre et rajoute de la sensibilité au jeu de regard, de faux-semblant, de flirt, de séduction et de manipulation qui se joue entre les deux amants. Ainsi, les scènes deviennent intensément malicieuses comme la partie d'échec très sensuelle et son long baiser tournoyant ou sont d'une séduisante légèreté à l'image des dérives en buggy. Plus une manière de défier le système que de vouloir s'enrichir, McQueen rajoute du sarcasme à sa quête, et fait naître avec l'actrice, un alléchant suspense romantique.


Jia Zhang-ke

Plaisirs inconnus (2003)

Constat d’un pays en pleine transition, de l’idéalisation du communisme au capitalisme dans lequel la Chine s’avance, Jia Zhang-ke pour parfaire cette radiographie, situe son action dans la ville industrielle de Datong et son atmosphère de vieille usine à l’architecture dégradée, inutile et quasi abandonné, à l’image de ses deux personnages issus de la génération de l’enfant unique. Deux jeunes adultes perdus, essayant de satisfaire leur vie à travers le flânage, l’errance, la moto mais surtout les filles : une chanteuse-danseuse sous l’emprise d’un petit malfrat et une étudiante plutôt correcte. Le cinéaste capte avec attention et réalisme le temps, l’attente et le silence, trois éléments faisant naître les blessures et les secrets de ces jeunes qui convergent difficilement à s’aimer. Ils se confrontent à la nouvelle consommation occidentale, au choix de partir, surnagent dans les infos mondiales et locales de la télévision et cherchent un but dans cette nouvelle culture influencée. Ne sachant quel chemin choisir pour leur vie, l’avenir est incertain et se conclut dans un petit crime déplorable, faisant fuir l’un et emprisonne l’autre. Une chanson bien triste de la jeunesse chinoise.

A Touch of Sin (2011)

Jia Zhang-ke détourne astucieusement le genre du wu xia pian dans une œuvre puissante qui dénonce l’injustice sociale et la corruption au travers d’un voyage en Chine moderne. De Shanxi au Canton du Sud, le cinéaste articule quatre histoires différentes entre elles pour former une multi représentation d’hommes et femmes qui succombent à une violence cathartique à cause de leur situation alarmante. Les personnages sont sans issus face au pouvoir du capitalisme local et mafieux, leur rébellion n’est que temporaire et inutile car elle se conclut toujours dans le désespoir et ce propos est appuyé par le suicide du jeune travailleur dans la dernière histoire. Dans l’oppression donnée par un pays en crise, l’auteur ajoute une pierre évidente au fatalisme d’un peuple au bord du gouffre, il offre une autoréflexion sur son cinéma pleine de tension et de rage. Le film coule limpidement, travaille la trajectoire et le destin de ses protagonistes dans un parcours qui expose toutes les mutations (économique, sociale, géographique) de la Chine d’aujourd’hui et reste d’une violence sèche sans jamais tomber dans la passion ou le pathétique.


Jimenez Cédric

Novembre (2022)

Le réalisateur s’attarde sur un sujet risqué, celui de la traque des terroristes ayant commis les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Le film s’abstient de capter l’attentat et le laisse hors-champ, pour se concentrer uniquement sur l’enquête des policiers au centre de ce thriller en mosaïque chorale. La mise en tension réaliste et la reconstitution précise d’un sujet contemporain et d'actualité suivent les pas d’une Kathryn Bigelow, car Jimenez garde une exigence énergique à filmer les actions de ses personnages sans tomber dans la grandiloquence ou le spectaculaire. Il utilise un style tout en caméra portée avec une longue focale pour saisir l’intensité progressive de la narration et afin de ne jamais relâcher la pression vertigineuse de ces cinq journées (jusqu’à en perdre nos repères temporels). Moins accès sur les gun-fights, Jimenez mise sur l’aspect éprouvant et immersif des bureaux antiterroristes avec son stress et ses interrogatoires pour nous en démontrer les rouages et ses dysfonctionnements. Il impose une angoisse sourde (parfois aérienne) et rend nerveux également toutes les scènes en extérieur de filature et de descente jusqu’à une apothéose cataclysmique qui relâche l’apnée totale dans laquelle nous étions.


Johnson Rian

À couteaux tirés (2019)

À couteaux tirés s’inscrit dans la tradition du whodunit à la Agatha Christie, mais le détourne et le déconstruit de façon très alambiquée et avec des contorsions narratives malignes. En effet, au lieu de faire allonger le suspense en cachant la vérité au spectateur, Johnson dévoile directement cette dernière avec la sophistication de sa mise en scène et de ses flashbacks. Dès le début nous savons qui ment, déjouant alors les tergiversations habituelles pour transformer habilement la structure à laquelle on pouvait s’attendre. L’innocence de l’héroïne qui essaie de cacher et de disséminer les indices auprès d’un enquêteur très adroit et loufoque, dynamise l’enchaînement très précis des rebondissements. C’est certes un peu trop mécanique et didactique, car de plus, le film tient un propos politique sur l’ère trumpienne (une immigrée qui s’oppose à une bourgeoisie conservatrice et réactionnaire) pas très fine et peu nuancé, mais l’œuvre se regarde avec un plaisir léger. L’humour noir, les vacheries et l’arrogance de cette famille hypocrite, la relation simili Holmes-Watson entre Craig et de Armas, les constantes fausses pistes, maintiennent toute l’ambiance cocasse et taquine du film dans une malicieuse jubilation.

Glass Onion : Une histoire à couteaux tirés (2022)

Alors que le précédent volet se déroulait dans un manoir luxueux, Glass Onion change de contexte en allant déplier son enquête sur une île privée ensoleillée d’un magnat digne d’Elon Musk. L’île en question est le lieu d’une murder party, organisé par ce multimilliardaire qui invite ses amis pour les revoir. S’invite dans la fête, Benoît Blanc, qui décèle rapidement tous les faux-semblants, le double jeu, les mensonges, les secrets et les vraies intentions des personnages entre eux. Le jeu d’origine devient réel, donnant tout le plaisir au cinéaste de nous déstabiliser en faisant tordre son intrigue. Le flair imbattable de Benoît Blanc permet de tout résoudre efficacement et en même temps des nouveaux mystères s’implantent dans le récit, notamment par le biais d’un personnage qui fait basculer le film dans un autre point de vue que celui du détective. Nos certitudes sont toujours malmenées grâce à la multiplication des temporalités qui permet de voir des mêmes séquences sous un autre angle. En épluchant les couches de l’oignon pour atteindre le cœur glacial de la vérité, Johnson offre une satire ironique sur le pouvoir factice des nouveaux riches (et faux génies) et sur leur lien construit sur l’intérêt et le profit.


Jones Tommy Lee

The Homesman (2014)

Tommy Lee Jones offre une œuvre minimaliste sur un étrange convoi, celui d’une femme endurcie devant ramener avec un rustre vagabond trois femmes aliénées par un mariage forcé qui les ont contraintes à supporter un douloureux quotidien dans l’Ouest. L’auteur-acteur déploie une dureté minérale pour faire ressentir l’ampleur des vastes étendues désertiques qui n’offrent aucune perspective aux personnages déjà fragiles face à l’immensité de la beauté sidérante des paysages. Le récit aurait pu donner quelque chose de prévisible (solidarité dans la difficulté, amitié qui se transforme en amour, voyage initiatique…), mais il n’en est rien, car le cinéaste fait le choix de garder la même tonalité très noire et crépusculaire du début jusqu’à la fin avec un détachement mélancolique. Il filme avec rudesse l’horreur de la folie, son impuissance face à celle-ci et un espoir qui devient rapidement le désenchantement d’un monde déjà mort. Un monde dans lequel il est impossible de faire son deuil, comme si les conclusions ne pouvaient être réelles. Et comme ces femmes folles, les personnages perdent le sens de leurs repères et trébuchent dans l’obscurité de l’âme humaine sans possibilité de rédemption.


Jonze Spike

Max et les Maximonstres (2009)

Comme son matériau de base, Spike Jonze révèle l’âme élégiaque de l’enfance, vers une fable merveilleuse et angoissante dans l’imaginaire. Max est un enfant se sentant délaissé par sa famille, peu à l’aise avec la réalité, il s’évade vers l’île des Maximonstres et devient le roi de ces grosses bêtes gentilles mais aussi inquiétantes. Le réalisateur use de très peu d’effets numériques et préfère l’authenticité des décors naturels ainsi que des costumes réels. Cette patte confère une magnifique sensibilité où la rupture de ton dans les paysages très variés, la temporalité et la météo définissent les songes démesurés du jeune garçon. Le quotidien douillet de Max avec ses amis particuliers est mis à mal rapidement, à cause des sentiments profonds et contradictoires de sa cour. Les monstres sont attachants, drôles et bienveillants mais ils sont aussi colériques, jaloux et envieux. Chaque personnage contient un morceau émotionnel de Max, ainsi tout comme l’enfant, ils ont peur d’être abandonné, trahi et malheureux. Nous sommes dans le conte initiatique mais un conte profondément rude et en même temps doux, à l’image de ce départ déchirant et nécessaire de l’île vers un avenir grandissant.


Jordan Michael B.

Creed III (2023)

Adonis est désormais indépendant et existe pour lui-même, comme le démontre le poste de réalisateur tenu par Jordan et l’absence de Stallone/Rocky. C’est tout de même un retour aux origines, car l’homme affronte son passé, mais cette fois sans l’ombre épaisse de ses deux pères. De nouveau, il refoule ses traumas, mais les confronte ensuite. Damian est le versant sombre et animal du héros, il est un antagoniste hypersensible rempli de haine et de démon, de mélancolie et d’intensité, laissant une forme de pitié à son égard. Il tend un miroir inversé à Adonis sur ce qu’il est devenu, un businessman déconnecté de la réalité et se comblant dans un confort luxueux. Le cinéaste réalise un Creed introspectif et parfois onirique en profitant de l’atmosphère de L.A. Il offre dans les fights un formalisme à gros bras, inspiré par les animés et les mangas, qui laisse place au langage des corps, à l’abstraction et au symbolisme (comme le ring se transformant en prison). Ce langage on le trouve aussi dans sa relation avec sa fille sourde et le rapport qu’à Adonis avec l’éducation de celle-ci. Au final, le III est un récit hanté de lutte fraternelle entre deux voies contraires, un pauvre n’ayant rien à perdre et un riche qui a tout à perdre.


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