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Tolkien J.R.R. (1892-1973)

Le Hobbit (1937)

Le Seigneur des anneaux : La Fraternité de l'Anneau (1954)

Annotation

Il n’est pas vraiment aisé de résumer ce premier bloc d’heroic fantasy, tant elle est riche mais ce point de vue démontre toute la force intemporelle du roman de Tolkien que j’avais déjà savouré dans Le Hobbit. Le premier tome des Seigneur des anneaux multiplie par mille tous les fondements construits par l’auteur dans Le Hobbit. Les distances et les mesures spatiales entre les lieux sont plus lointaines et la géographie est démesurée. Le romancier est encore plus minutieux dans la description des endroits que les personnages traversent. C’est un vrai travail de fourmi qui rend crédible toutes les régions de la Terre du Milieu. Le lecteur à l’impression aussi d’ouvrir un livre d’histoire documenté sur les races et l’auteur fait en sorte de donner un crédit réaliste, tout en donnant un cachet légendaire et lointain à son œuvre. 

 

La longue marche vers l’Ouest est à présent plus complexe et plus sombre. La finalité de ce voyage initiatique est plus inquiétante qu’un trésor à voler. La présence de Sauron pèse énormément sans jamais apparaître, il paraît très funèbre dans ses descriptions, à l’instar de son acte : celui d’avoir créé l’Anneau unique. Cet Anneau qui prolonge la vie mais mange de l’intérieur l’âme, donne la tentation de sombrer dans le pouvoir et l’obscurantisme, il pèse dans la conscience collective et rend parfois ambiguë comme Bilbo ou Boromir. Mais surtout cet objet magique peut faire décliner vers le monde des ombres, à l’image des Cavaliers Noirs. L’autre présence menaçante qui galvanise ce premier tome magique et merveilleux. 

 

Les nombreux poèmes, les lieux antiques, le poids du temps des histoires anciennes, les inscriptions aux langues oubliées, etc… Tout parfaire à une immersion haletante et parfois féérique mais une féérie mature. Les lieux sont parfois hors du temps et de l’espace comme dans la Vielles Forêt chez Tom Bonbadil ou face au miroir de Galadriel au Lothlórien. Mais la grande force du livre reste les personnages tous aussi attachants les uns que les autres, ils contiennent tous une histoire personnelle bien taillée et forment une communauté à la forme utopique pour s'opposer aux ténèbres à venir. Ce premier tome introduit la puissance imaginaire de Tolkien, son style poétique et fluide, des descriptions certes longues mais toujours en adéquation avec le propos de l’œuvre : celui de raconter une histoire pour en faire une Histoire avec un grand H, sans jamais tomber dans la métaphore avec le réel.

Le Seigneur des anneaux : Les Deux Tours (1954)

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À l'image de la fracture finale du premier tome, Tolkien découpe son récit en deux parties bien distinctes : la première avec la recherche effrénée de Merry et Pippin par Aragorn, Legolas et Gimli, qui ont été capturés par des Orques. Puis la seconde, le périple harassant de Frodo et Sam vers le Mordor pour détruire l'Anneau. Cette incisivité narrative permet d'allouer un caractère plus urgent à l'histoire et donc plus frontal. Logiquement, c'est les premières apparitions des grandes batailles comme celle de la Ferté-au-Cor entre les forces de Sarouman et celles du Rohan, dirigé par le Roi Théoden et aidé par le trio cité au début. Aussi, la bataille des Ents contre Sarouman caché dans la Tour d'Orthanc, sa demeure à Isengard. On y voit donc également apparaître des personnages cultes comme Sarouman et Gollum, deux antagonistes faisant planer une ambivalence bienvenue à l'œuvre. Les deux étaient du bon côté mais la tentation et l'avidité du pouvoir les ont fait basculer vers la haine, l'isolement et la folie. Plus particulièrement Gollum, dont les émotions du lecteur vacillent entre détestation et empathie.

 

Le souffle devient plus épique, la terreur s'extériorise tandis qu'elle était plus dans la suggestion auparavant, et les premiers morts donnent un ton tragique. Mais l'enchantement est toujours présent, entre les incroyables Ents et Barbedois qui représentent les fers-de-lance de la curiosité, ceux que les Rohirims pensaient légendaires car ils ne sont jamais aller plus loin que chez eux. L'auteur est plus mélancolique, il expose des inquiétudes sur l'oubli et le temps, sur ce qu'est une vraie histoire comme en débattent Frodo et Sam et sur l'espoir que leur récit soit raconté un jour. Les Deux Tours accentue cette ode aux vieilles légendes ainsi qu'aux traditions chevaleresques et toutes les valeurs qui les suivent comme l'honneur, l'humilité, le sacrifice ou le courage.

 

Typiquement Aragorn ou Faramir incarnent cet étalage mais chez Tolkien les grands héros sont les plus petits. Ainsi, Sam est le plus touchant car il reflète la bonté, le cœur et le dévouement. Le lien qui se forge entre lui et son maître (incarnant l'intelligence et la patience) est profondément tendre. Une tendresse que l'on retrouve dans les pauses rassurantes de la narration (le magnétisme de Gandalf) mais toujours entouré par les brumes obscures de Sauron. Plus le livre avance, plus il rentre dans des évocations maussades. En somme, il se définit comme un intermède sublime.

Le Seigneur des anneaux : Le Retour du Roi (1955)

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Lorsque nous parvenons à la fin de ce long récit-fleuve, le premier sentiment est celui d’une puissante mélancolie. En effet, quitter tous ces personnages que le lecteur a accompagnés dans leur longue aventure donne une émotion d’une troublante nostalgie. L’idée de l’espoir et d’un renouveau concluant le livre appuie sur cette fissure, car nous resterons marqués à tous jamais comme les personnages, et surtout les Hobbits. Le Retour du Roi permet d’affirmer que les vrais héros sont les Hobbits (ceux dont l'identification est la plus facile), l’aventure commence avec eux et elle se termine avec eux. Mais ils ont changé, car en revenant dans La Comté, en voyant les changements néfastes qui se sont produits sous les effets de la Guerre Sombre, les quatre héros sont maintenant assez matures et forts pour pouvoir régler, seuls, les problèmes de leur douce contrée.

 

Chaque Hobbit a le droit à son moment héroïque et épique (deux parfums au centre du récit) et surtout, les deux Livres suivent essentiellement le point de vue des Hobbits, tout en faisant un lien spatio-temporel entre eux comme pour mieux appuyer la fraternité qui les unit, et malgré la grande distance les séparant. Merry poignarde le Roi-Sorcier lors de la Bataille des Champs du Pelennor et permet à Eowyn de le tuer, Pippin sauve Faramir du désespoir de Denethor puis participe à la bataille de la Porte Noir en tuant un énorme troll, Sam sauve la vie de Frodo en affrontant des orques puis aide hardiment Frodo à porter l’Anneau alors que ce dernier est épuisé par ce poids lourd. Cette mission permet de vaincre Sauron et de redonner la légitimité du trône de Gondor à Aragorn. Ce dernier participe grandement à la grandiloquence homérique (digne d'une chevauchée walkyrienne) de ce tome, tout comme l’ensemble tragique étant au cœur de la pluralité des destins et permettant d’inscrire le goût de l’auteur pour les empreintes que les Hommes laissent dans la Légende.

 

Enfin, par rapport au volet précédent qui était l’œuvre du tunnel noir, ce volet est celui de la lumière au bout de ce tunnel. Avec cette transition, Tolkien produit l’œuvre heroic-fantasy du gigantisme, d'une grande charge wagnérienne, d’une monumentalité opératique et d’un déferlement d’émotions où la liberté, la paix et l’harmonie sont les principaux traits que la civilisation de la Terre du Milieu atteint avec acharnement et splendeur. Le lecteur peut ainsi fermer paisiblement le Livre rouge de la Marche de l'Ouest après ce magnifique voyage.


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