Annotations
Hannah et ses sœurs (1986)
Escrocs mais pas trop (2000)
Rifkin's Festival (2020)
Hannah et ses sœurs (1986)
L’auteur offre cette fois une chronique légère et mélancolique avec une structure chorale et densément orchestrée. Il jongle avec une agile fluidité dans une narration à la fois polyphonique et romanesque, entre plusieurs récits et plusieurs registres pour se questionner sur la famille, la fidélité en amour, la filiation des sœurs et de leur émancipation, l’angoisse de la fragilité humaine, la crainte du néant et de l’absurde ou encore sur l’épanouissement individuel et la peur de l’échec. Ces trois femmes font entremêler ces histoires de hasards, où à chaque Thanksgiving (la construction reprend celle de Fanny et Alexandre) se noue les retrouvailles de cette riche galerie de portraits faisant le point sur leur vie. Les couleurs mates, automnales et chaudes de l’œuvre s’accordent élégamment à cette ronde chaleureuse de béguin, d’amours contrariés, d’humeurs, de solidarités et de rivalités secrètes où s'enchevêtrent ces existences embrouillées. De manière intimiste et introspective, le film étale les problèmes, doutes, crises et névroses de ses personnages avec une tendresse aigre, un spleen doux-amer, un comique mordant et un sérieux tumultueux qui découle vers un optimisme heureux et apaisé.
Escrocs mais pas trop (2000)
Partant sur un film de casse totalement détourné de son origine par une bande mi-raté mi-escroc, car la couverture (un magasin de cookie) fonctionne bien mieux, Woody Allen fait virage à son sujet de base très drôle, jouant sur la maladresse et l’échec du projet, pour se diriger vers un vaudeville distrayant et une comédie sociale qui critique le snobisme bourgeois et le pouvoir de l’argent sur les comportements humains. Les magouilleurs deviennent des milliardaires, l’un (le personnage interprété par l'auteur) veut rester dans ses habitudes populaires, tandis que sa femme prend goût à cette richesse conformiste visé sous un visage prétentieux et d’un dandysme hautain. On est en plein dans la fantaisie et une forme de fanfaronnade réjouissante qui s’amuse avec les scènes de ménage, les codes sociaux de deux classes différentes, la manière de s’approprier ces codes alors que ce ne sont pas les nôtres, etc. Il y a une charge contre une forme d’élitisme européen, celui qui profite de sa richesse culturelle pour en faire un pouvoir de mépris, alors que la culture populaire américaine est plus soutenue, même si le cinéaste taquine gentiment cette dernière.
Rifkin's Festival (2020)
Dans la continuité d’une approche « touristique » de son cinéma, Woody Allen déroule son récit au festival de San Sebastian où un ancien professeur de cinéma tombe sous le charme d’une femme, pendant que son épouse le trompe avec un jeune cinéaste. Pour cette idée, l’auteur met au centre une personne âgée pour faire l’état d’une introspection douce-amère, malgré le marivaudage chatoyant et solaire de l’esthétique. Il met en exergue des interrogations sur le vieillissement et la décrépitude, et parle clairement de lui-même en faisant notamment écho à ses références. En effet, le personnage se met à rêver de ses problèmes qui s’intègrent (en noir et blanc) dans des pastiches de grands films et réalisateurs : Fellini, Lelouch, Truffaut, Godard, Welles, Buñuel, Bergman, entre autres. Allen fait un discours peut-être péremptoire, mais drôlement saillant, car il fait l’état d’un âge doré disparu au profit d’un septième art auquel il ne croit plus et s’amuse à lancer des piques à ce monde embourgeoisé et ennuyeux. Le tout est fait avec finesse et bonne humeur, car Mort (un prénom qui dit tout) pense lui-même qu’il est tant de raccrocher les gants et de se reposer.
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