[Cinéma] MILESTONE Lewis (1895-1980)

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À l'Ouest, rien de nouveau (1930)

Les Révoltés du Bounty (1962)


À l'Ouest, rien de nouveau (1930)

À l’Ouest, rien de nouveau, adaptation du livre d’Erich Maria Remarque, reconnu pour sa dimension pacifiste, raconte le récit de jeunes soldats allemands faisant la triste et terrible expérience du front lors de la Grande Guerre. Bercés d’illusions par leur professeur, ils s’engagent et vont rapidement être détruits par les désillusions de la guerre, et beaucoup d’entre eux vont y mourir.

 

Œuvre courageuse et pleine de force, le film impressionne par ses grands moyens et la fluidité de sa mise en scène, notamment par les longs travellings qui suivent les soldats pendant leurs percées et leurs assauts dans les tranchées. On pense évidemment, et avant l’heure, au film Les Sentiers de la gloire de Kubrick, dont on retrouve l’intensité violente de la guerre, la virtuosité de la caméra et la forme pamphlétaire qui critique vivement la Première Guerre mondiale et ses conséquences désastreuses. Il faut mettre en avant la frontalité de cette œuvre, qui est très audacieuse pour son époque. Rien n’est laissé au hasard pour dévoiler les épreuves insoutenables que vivent les personnages et leurs corps face à la souffrance du réel. L’horreur et la boucherie sont montrées de façon spectaculaire avec une reconstitution d’inspiration documentaire. Tandis que le montage suit par moments de façon fougueuse la cadence des mitrailleuses (la caméra se substitue à ces dernières) et que le champ sonore est saturé par les obus qui éclatent, créant une peur terrifiante chez les hommes.

 

Milestone montre aussi à quel point la question de survie est liée à la chance et à l’arbitraire ; les hommes peuvent mourir injustement à tout moment, sur un malheureux hasard. De ce fait, le film sublime la tragédie humaine dans des moments de pathos qui donnent un visage à l’ennemi, des passages d’une tendresse pittoresque, de mélancolie profonde, de poignante fatalité et de poésie éphémère. C’est pourquoi l’ambition formelle et narrative existe grâce à cet affranchissement des modèles préconçus hollywoodiens, car l’œuvre se concentre exclusivement sur le noyau humaniste de la guerre. Milestone ignore toutes les questions géopolitiques, les stratégies militaires et la glorification guerrière pour mieux atteindre la réalité abominable du champ de bataille. Il est vrai que le film critique avec didactisme le patriotisme exacerbé, celui qui a poussé de jeunes hommes à mettre leur vie en péril en ignorant leur individualité, mais c’est pour mieux insister sur la préciosité de la vie humaine.


Les Révoltés du Bounty (1962)

La version de 1962 est connue pour être un immense échec à sa sortie, un échec auquel Brando n’a pas aidé en raison de ses caprices et de sa personnalité compliquée. Cependant, le film reste un bon exemple de l'ampleur technique de son style, similaire aux superproductions hollywoodiennes des années 60, qui prendront fin après l’échec de Cléopâtre. Entre son Scope majestueux et son Technicolor chatoyant, le film contient tout le souffle d’une fresque épique d’aventure romantique. Il se veut plus monumental et grandiose que son prédécesseur, mais développe moins son sujet sur la mutinerie et sa psychologisation, en ne montrant pas le procès de fin et en ne développant pas certains personnages.

L’opposition entre Bligh et Christian reste la même, mais elle est incarnée différemment. Trevor Howard offre une performance plus monolithique et un sadisme plus rude, tandis que Brando joue les dandys avec ses tourments intérieurs. Il sait que sa mutinerie va l’amener à sa perte; son but étant plus d'écraser Bligh que de se révolter, contrairement à Gable, qui était sûr de son choix sans être revanchard.

Les fins des deux versions se différencient également. Gable brûlait lui-même le Bounty pour vivre tranquillement en secret sur son île avec le reste de son équipage et les Tahitiens qui l’avaient suivi. En revanche, Brando meurt après avoir tenté de sauver le Bounty des flammes, car il voulait retourner en Angleterre pour dire la vérité sur le voyage, contrairement aux mutins. La version de Milestone est aussi plus flamboyante, comme le démontre tout le chapitre sur Tahiti, prenant le temps de montrer les séances de pêche et de danse avec un nombre impressionnant de figurants. Moins concise mais plus ample, cette version offre une vision plus grandiloquente de l'histoire.


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