[Cinéma] MILLER George (1945-)

Annotations

Mad Max (1979)

Mad Max 2 : Le Défi (1981)

Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre (1985)

Mad Max : Fury Road (2015)

Furiosa : Une saga Mad Max (2024)


Mad Max (1979)

L'embryon d'une franchise mythique, "Mad Max", se déroule dans un futur dystopique où les hommes et les femmes sont catapultés dans une société sur le point de sombrer dans le chaos total. Un désert immense et sec australien, une lumière aveuglante, des routes infinies et arides sont traversées par des policiers en cuir assoiffés de vitesse et des motards-punks enragés, obsédés par la violence et les pulsions sexuelles. Les bâtiments restants sont délabrés et les lois ne tiennent qu'à un fil. Une question de survie née de l'esprit de George Miller, choqué par les nombreux accidents de la route. Ce traumatisme se transforme en une quête de vengeance crépusculaire menée par Max, un policier à la vie rangée dont le monde s'effondre lorsque son ami, sa femme et son enfant meurent à cause de la violence humaine. Une quête classique et tragique, mais qui devient originale grâce à un savoir-faire au rythme effréné, pleine d'adrénaline dans son action, surchargée d'accélération et de cascades motorisées déjà épiques. Il manque encore la virtuosité post-apocalyptique du deuxième volet, mais ce film ouvre les portes pour un homme qui découvre son soi intérieur, un éveil cruel de la nature, réveillant les pulsions de solitude et de mort.

Mad Max 2 : Le Défi (1981)

Le deuxième volet marque à jamais la mythologie culte de Mad Max : un road-movie désespéré, une image de fin du monde où le pétrole est rare, un bric-à-brac punk et archaïque des véhicules, la poussière du désert salissant, le parfum de diesel pourri, les hordes de décérébrés en cuir SM mi-gladiateur mi-barbare, la musculature d’Humungus et son masque cachant un visage brûlé... Mais surtout l’Interceptor, le canon scié, le chien, les vêtements noirs et la solitude mutique qui rangent à tout jamais Max dans l’imagerie du genre post-apocalyptique. Le monde est devenu invivable, sans loi, et les rencontres hasardeuses du héros l’emmènent à se confronter dans des affrontements musclés où vibrent les bruits infernaux des véhicules rouillés. Miller améliore sa mise en scène et son montage pour réaliser une œuvre explosive, dynamique et percutante. Le film prend l’ampleur d’une quête messianique et d’un western lorsque Max aide des survivants dans une forteresse retranchée jusqu’au final dantesque d’une course-poursuite à haute vitesse, sanglante et nerveuse, maîtrisé d’une main de maître par le cinéaste. C’est l’une de mes œuvres madeleine que j’aime énormément.

Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre (1985)

Le dernier volet avec Mel Gibson s’ouvre à une ampleur proche du péplum et illustre l’émergence d’une civilisation qui pourrait renaître de ses cendres. Max est désormais un nomade en caravane qui doit retourner à Bartletown pour récupérer ses biens : une ville marchande folle et punk où foisonnent une palette de visages disgracieux et de corps encrassés à gogo. Ses souterrains glauques, où des porcs sont exploités pour leur énergie, la chef suprême Tina Turner et la scène de combat dans l’arène contre un colosse dominé par un nain pas si méchant que ça, placent l’œuvre dans un registre inattendu. L'esthétique post-apocalyptique évolue vers quelque chose de plus candide et entraîne Max dans une oasis paradisiaque où des enfants marginaux le prennent pour leur messie. Max garde son cœur d’errant solitaire car il n’est pas le prophète attendu, mais il incarne une figure d’espoir pour un renouveau, les enfants étant le plus beau symbole de cet espoir. Plus humaniste et moins désespéré, ce Mad Max reste un délire bourré de dynamique et s’achève dans une fable célébrant le « sauveur », au-delà de la réalité, pour en faire un mythe intemporel.

Mad Max : Fury Road (2015)

Miller insuffle une toute nouvelle vision à son bijou cinématographique et ne tombe pas dans le piège de la nostalgie d’un vintage régressif. Fury Road a une narration minimaliste mais d’une richesse infinie dans l’action et la direction artistique survoltée, piquante et totalement pulp. La crasse, le vrombissement des moteurs, le bric-à-brac des véhicules, la poussière, les corps mutés et mutilés, la transpiration suintante, etc., démontrent une volonté d’être profondément matérialiste et s’épaulent d'une réalisation artisanale : rythme maîtrisé, cascades sans trucages, décors réels et découpage ultra-dynamique. Le film sait aussi être moderne et utilise judicieusement des CGI très esthétiques. La mythologie s'intègre directement dans l'action, comme un cérémonial ritualisé. Toujours dans une grande urgence, les poursuites sont titanesques et appuyées par une chorégraphie furieuse et nerveuse qui explose de rage. Le tout dans une nouvelle quête qui fonctionne à merveille : transformer la condition d’un monde et ramener l’harmonie contre un faux prophète et ses fanatiques. Furiosa, point fort de l’œuvre, éclipse le mythique Max, à la recherche d’une utopie écologique dans un aller-retour lancé à pleine vitesse, à la fois énergique et cataclysmique.

Furiosa : Une saga Mad Max (2024)

Furiosa mêle à la fois l'action titanesque de Fury Road et les réflexions mythologiques autour de la transmission des fables que l'on trouve dans Trois mille ans à t'attendre. Découpé en six chapitres, le film a l'ambition d'étaler son récit sur plusieurs années (contrairement au précédent qui se concentre sur une unité de temps et de lieu) pour mieux dévoiler tout l'horizon originel de Furiosa et de la mythologie de l'univers en général. 

 

On jongle entre trois lieux différents à travers de nombreuses ellipses, ce qui donne l'effet d'une densité qui navigue entre des scènes d'action à la pureté scénique et corporelle impressionnante, mêlant une coordination frénétique de la matière, des chorégraphies et de l'iconographie (une action qui combine du western leonien cartoonesque avec une esthétique comics pulp à la Metal Hurlant, dont la violence graphique appuie sur la noirceur cruelle de ce monde macabre et sanguinolent) et un développement de l'histoire qui contient une ampleur légendaire scrutant les lieux peu ou même inexplorés de Fury Road. On sonde davantage cette civilisation en ruine dont l'empire d'Immortan Joe se constitue comme une trinité géographique où le peuple est réduit à un esclavage en putréfaction, nécrosé et en dégénérescence. Les effets spéciaux, encore plus affirmés, donnent une étrangeté excentrique où le vrai et le faux sont difficilement décelables, comme cet univers où les faux prophètes promettent un mirage politique vain. 

 

Le précédent étant plus dans l'horizontalité et la ligne droite, Furiosa propose un jeu d'échelle, de relief et de verticalité vertigineux, appuyant sur le mouvement ascensionnel de son personnage qui est un mythe en devenir. Le film a donc une dimension d'odyssée homérique, de fresque épique, car le parcours de l'héroïne est structuré comme un conte antique et biblique, d'où le mot "saga" dans le titre. Dementus, l'antagoniste principal, représente un agent du chaos qui constitue ce cycle nihiliste de destruction. Un Karl Marx du pauvre, dégénéré (comme Joe, mais sans le côté ordonné et divinatoire), mais qui derrière son acabit burlesque, rappelle à Furiosa la rage similaire qui l’anime, une fureur sensorielle qui permet de faire abstraction de leur tristesse. Elle, amère d’un paradis perdu, dont Miller en fait un protagoniste qui doit faire sa place dans la mythologie de Mad Max, construire son histoire, afin de devenir le symbole de la survie de l’humanité et de la perpétuation de sa fiction.


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