[Cinéma] PENN Arthur (1922-2010)

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Missouri Breaks (1976)


Missouri Breaks (1976)

Missouri Breaks est un western libertaire au ton dérisoire, une sorte d’anti-épopée qui reprend un thème similaire à celui de La Porte du paradis : l’assistance de tueurs professionnels par des propriétaires richissimes pour liquider des voleurs de bétail. Comme dans Le Gaucher ou Little Big Man, l’auteur propose un anti-western iconoclaste et moderne qui démystifie les visions mythiques d’un Far West en pleine mutation.

 

Dans celui-ci, il aborde une ambition politique, en opposant un odieux tueur campé par un Marlon Brando excentrique, au jeu outré, qui se travestit tel un psychopathe sexuellement ambigu, contre un petit brigand, joué par Jack Nicholson, en rêveur anarchiste. Le film nous parle du capitalisme tyrannique de l’époque et de sa justice expéditive, comme le démontre cette ouverture où des familles assistent de bonne humeur à une pendaison publique, celle d’un voleur qui n’a pas eu le droit à un procès. Le régulateur narcissique et cruel de Brando incarne la lâcheté des grands propriétaires qui recrutent ces tueurs pour faire le sale boulot à leur place.

 

Ainsi, le cinéaste nous parle d’un monde où le courage n’existe plus ; il n’y a plus de bons et de méchants, seulement de la couardise, du cynisme et des gens ordinaires qui veulent juste survivre. Brando tue à distance et de façon imprévisible puis s’amuse avec ses proies comme un sadique, tandis que Nicholson ne veut plus prendre de risques, veut cultiver son jardin aux côtés d’une femme dont il tombe amoureux et égorge son ennemi dans son sommeil sans revanche épique.

 

C’est pourquoi Penn oscille entre les tons et les genres, passant du registre léger au sérieux, du comique burlesque au crépusculaire sombre, de ballades douces musicales à des exécutions graphiques sans pitié, de l’ironie à la tragédie intime, de la parodie à la romance, de la vérité authentique de l’époque à un quasi fantastique inquiétant. Comme l’indique le personnage de Brando à l’une de ses victimes voleurs : « Vous êtes le dernier de votre espèce, mon vieux. Si j’étais plus doué pour les affaires que pour la chasse à l’homme, je vous mettrais dans un cirque. » C’est cette mise en cirque que le film met en avant : les grands récits légendaires de l’Ouest américain prennent fin et s'enterrent pour prendre une nouvelle forme sans sa gloire initiale.


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