[Cinéma] RUSSELL Ken (1927-2011)

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Mahler (1974)


Mahler (1974)

En réponse au Mort à Venise de Visconti et à travers le dernier voyage en train du compositeur Gustav Mahler juste avant sa mort, le cinéaste Ken Russell réalise un voyage intérieur dans la psyché de l'homme, tout en offrant une interprétation de sa musique en bon mélomane iconoclaste qu'il est. Le personnage revit les étapes clés de son existence et rebondit entre les époques en regardant les paysages et le temps défiler.


Le film appartient aux biopics d'artistes torturés de Russell, mais ici l'artiste est un être vulnérable, frêle, dépressif, fragile et chétif. Son teint blafard contraste avec la rugosité et la jalousie qu'il impose à sa femme. On le sent condamné d'avance, d'où la forme funèbre et mélancolique qui imprègne le récit. La réalité se mêle avec les rêves et les fantasmes ; ses visions sur l'amour et la création procurent tout un imaginaire symphonique et flamboyant. Ce versant romantique ne fait plus qu'un avec la nature et réinvente le réel pour donner vie à la musique de Mahler à travers des tableaux audacieux. Mais on y voit aussi tout le rapport conflictuel avec sa dulcinée, et surtout son histoire fusionne avec celle de l'antisémitisme qui a eu des répercussions sur sa carrière. L'auteur accorde aussi une importance notoire à montrer la volonté de Mahler d'être reconnu comme un compositeur et pas seulement un chef d'orchestre.

L'œuvre a une structure en rondo et scherzo : elle prend un thème et multiplie les variations contrastées pour revenir au début. Le scherzo, l'une de ces variations vibrantes, peut être tour à tour brutal, vulgaire, grotesque, macabre, enjoué, poétique et magique. Cela crée des chocs sensoriels et une palette d'émotions variées. Les tourments intérieurs de l'homme se répercutent dans des visions cauchemardesques, symboliques et psychanalytiques, en adéquation avec la dimension plus funèbre et morbide de sa musique.

Le cinéaste montre aussi tout le rapport du sujet avec sa judéité et avec son obsession pour le catholicisme. Cet intérêt est mystique, mais aussi calculateur, car cela lui permet d'ouvrir plus de portes en devenant catholique. Cette transition est exposé dans une scène outrancière avec des images tapageuses qui s'inspirent du cinéma muet, où le personnage se voit confronté à la veuve de Wagner déguisée en nazi. Cette scène comiquement burlesque, sorte de saynète bouffonne, provocatrice et légère, contraste avec la forme plus sérieuse et pleine d'emphase du reste du film.


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