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La vengeance est à moi (1979)
Pluie noire (1989)
La vengeance est à moi (1979)
Après une décennie passée à réaliser des documentaires, Imamura revient avec un succès qui le fait connaître auprès du grand public grâce à sa glaçante chronique d’un serial killer sociopathe. Cette œuvre offre en même temps une radiographie du côté sombre de la société japonaise des années 60. Ce film très noir a révolutionné le genre du film policier comportementaliste, influençant des réalisateurs comme Bong Joon-ho et David Fincher. Inspiré d’un fait divers sordide, qui a donné lieu à un roman du même nom, le cinéaste adopte un regard entomologiste et primitif sur ses contemporains, sans jugement moral. Il ne défend ni ne condamne le meurtrier, mais interroge la question du Mal et le moment où l’homme veut assouvir sa soif de puissance et ses pulsions les plus profondes.
La psyché du personnage s’aligne avec une narration en puzzle, reflétant le désordre chaotique et la confusion mentale de l’homme. Cette structure narrative offre des scènes symboliques et oniriques au milieu d’un style documentaire. L’approche méthodique et distanciée d’Imamura procure une logique froide à l’enquête policière, tout en intégrant la complexité mystérieuse et opaque de cet assassin cynique, contradictoire, présomptueux, égocentrique, autodestructeur, immoral et dont ses actes restent inexplicables et irrationnels.
Cette ethnographie des sens et des instincts donne à voir une œuvre captivante, crue et précise sur un être indifférent aux conséquences de ses actes. Mais le cinéaste laisse entrevoir quelques explications possibles de son comportement : son opposition précoce à l’autorité, son ressentiment contre le pouvoir établi, sa recherche d’une figure maternelle de substitution, ou encore sa relation conflictuelle avec son père, qui vit une relation incestueuse avec la femme de son propre fils.
Le protagoniste incarne une figure rebelle, refusant de se conformer aux normes sociales. Il aime défier l’autorité, les règles institutionnelles et même les lois de la nature, comme le montre la scène finale où ses restes incinérés restent suspendus en l’air, ne retombant pas. Serge Daney a décrit cette scène comme la représentation d’une « figure macabre de refus ». Jusqu’au bout, Imamura nous montre un personnage qui défie les conventions et reste insaisissable, marqué par un refus absolu de se soumettre.
Pluie noire (1989)
6 août 1945, l’apocalypse nucléaire démarre. Yasuko rejoint son oncle et sa tante, ils doivent traverser les décombres d’une ville en ruine et envahie par les cris. L'atmosphère infernale expose des corps déchiquetés, en lambeaux, fondus, brûlés ou sculptés par les cendres, dans un noir et blanc expressif. Cinq années plus tard, Imamura montre les conséquences de cette journée sur les personnages. Œuvre sur les « Hibakusha », ces êtres exclus de la société nippone, car ils renvoient l’image de la honte et de la défaite, sont pénétrés par un mal obscur et invisible, ils meurent un par un à cause des radiations et de « l’éclair qui tue ». Pourtant, le cinéaste fait le choix d’évoquer une chronique ensoleillée, les victimes voulant avancer et faire abstraction du passé, mais la maladie revient sans cesse. Le discours humaniste d’Imamura capte avec attention et présente progressivement les dégâts physiques et moraux de ce village rural migré par les victimes de la bombe. Du traumatisme au mal incurable, jusqu'aux sentiments cachés, ces gens ne peuvent vivre normalement, mais la solidarité de cette collectivité produit un espoir et la cristallisation mémorielle d’un cataclysme à ne pas oublier.
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