[Cinéma] NICHOLS Jeff (1978-)

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The Bikeriders (2024)


The Bikeriders (2024)

Nichols revient avec une chronique se déroulant dans les années 1960, explorant la naissance du mouvement des Bikers et de leur âge d’or, une courte utopie libertaire qui a finalement sombré dans la criminalité et le gangstérisme. Pour suivre l'ascension et la chute de ces mavericks de la route, le cinéaste adopte un récit fragmenté et non linéaire, à travers la voix-off de la dulcinée de Benny, faisant plusieurs allers-retours entre les différentes époques.

 

Le film se concentre sur deux motards : Johnny (Tom Hardy), le président du club des Vandals, et Benny (Austin Butler), une tête brûlée à la James Dean, chouchou de Johnny qui souhaite en faire son héritier. Bien qu'ils soient très proches, ils incarnent deux formes de virilité masculine différentes : Johnny est un homme avec un travail, une maison, une famille et une vision claire de son clan, tandis que Benny est un idéaliste incarnant la jeunesse, l’indépendance, la liberté et une vie palpitante.

 

Le film fait une scission, en faisant de cette dichotomie son sujet principal. Il essaie volontairement d’être un songe, un fantasme, une élégie romanesque, représentée par la fougue charismatique de Butler avec son jeu minéral, sa prestance mutique et son magnétisme. Néanmoins, tout cela s'avère être un artifice fabriqué et un idéal impossible à atteindre, dont le côté plus rigide de Johnny définit la pudeur, la retenue et l'aspect anti-spectaculaire de l’œuvre. Loin des grands espaces, c’est plutôt une mélancolie sourde et un rêve inaccessible qui imprègnent l'œuvre. Ainsi, ces êtres marginaux et indésirables font face à l’insignifiance de leur rêve, voué à disparaître.

 

Le début du film, marqué par un éclat fantasmagorique et une effervescence scorsesienne, notamment dans la violence, est à la fois léger, euphorique, chaleureux, coloré et iconique. Cependant, il devient progressivement pour les personnages une vie stagnante, cloîtrée et amorphe, qui se délite en même temps que la société américaine post-Vietnam, cela à l’image du film devenant plus sombre, âpre et morne. Nichols expose avec justesse l'envers du décor de cette mythologie et brise tout romantisme pour révéler l’illusion de ce paradis perdu. Finalement, Benny refuse l’héritage de Johnny et renonce à sa passion en rentrant dans les rangs, nostalgique d’un temps révolu chimérique et en même temps lui et sa femme portent un regard partagé, signe d'un sentiment plus grand que l'appel de la route, celui d'une nouvelle famille pérenne.


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