[Cinéma] TSUI Hark (1951-)

Annotations

Le Festin chinois (1995)

Time and Tide (2000)

Seven Swords (2005)


Le Festin chinois (1995)

Filmer la cuisine comme un film de kung-fu, voilà l'idée du Festin chinois. L’œuvre amuse, grâce à ses nombreux gags visuels que le cinéaste fait déborder du cadre avec une loufoquerie maîtrisée. L’abondance visuelle mêle un duo entre un petit malfrat reconverti en cuisinier incompétent et une jeune femme excentrique, un divin cuisinier devenu alcoolique et ayant perdu toute saveur à la vie, des familles restauratrices qui s’affrontent depuis des millénaires et un concours de cuisine extrême. Cour de récréation s’inspirant du slapstick muet dans la première partie, la seconde présente les duels gastronomiques. Tout reprend le récit classique du film d’arts martiaux où un héros damné doit surmonter les obstacles et s’entraîner intensivement pour récupérer son honneur et son talent contre un puissant antagoniste. L’hybridation de la structure permet d’en faire un film parodique et débridé, habile et coloré, semer d’une cavalcade extravagante et d’une comédie romantique. Ce bazar culinaire jubilatoire sculpte à la vitesse de la lumière toute cette prolifération sabrée et sautante de nourriture et marque indirectement l’angoisse hongkongaise d’être « rachetée » par la Chine avant sa rétrocession définitive.


Time and Tide (2000)

Narration complexe, perte des repères et du temps, difficile de savoir qui est qui et qui fait quoi dans le film de Tsui Hark. S'il n’est pas aisé de passer au-delà de cet aspect, les scènes d’action sont elles très lisibles et incroyables de virtuosité. Et, tandis que le film est plutôt codé, il totalement original dans sa mise en scène complètement renversante. La réalisation du cinéaste virevolte et elle est poussée jusqu’à l’abstraction. Le mélange entre vrais cascades et effets spéciaux poussés, appuient parfaitement certaines expérimentations visuelles. Le cinéaste utilise toutes les possibilités de l’espace, travaille des angles impossibles et défi continuellement les lois de la physique. Le récit et la société hongkongaise sont confrontés dans un permanent parallèle à travers l’identité, les nombreuses langues mais surtout le côté métatextuel entre l'auteur et le personnage. Deux maîtres dans leur art (cinéma action/art martial) qui retournent dans leur pays, abandonnent leur passé (Hollywood/gang) et l'espoir d'un renouveau (la naissance de l’enfant de Jack) porte à croire que c’est la renaissance aussi d’Hong Kong qui va peut-être pouvoir sortir de son chaos politique.


Seven Swords (2005)

Tsui Hark voulait revenir aux fondamentaux du wu xia pian en donnant un cachet authentique aux combats, où le sang jaillit et où l’effort est physique, après de nombreux échecs artistiques et commerciaux. Seven Swords est un film choral et à grand spectacle avec un budget conséquent. À l’instar des Sept Samouraïs, dont l’histoire reprend la forme avec ces guerriers qui aident des villageois, le caractère des sept héros est différencié : chacun se comporte, se déplace, se bat, agit et pense différemment. Ils sont comme sept états de l’âme humaine et du corps humain qui ensemble peuvent gagner contre un ennemi impérial beaucoup plus imposant qu'eux.

Mais les véritables héros de l’œuvre sont surtout les sabres, car les personnages ne sont que l’émanation de ceux-ci. Le sabre est l’âme, tandis que le guerrier en est le porteur. Le sabre est la philosophie, et l’homme qui l'accompagne est le médiateur de la déité qu’incarnent ces armes, qui sont finalement les dieux de l’histoire. Il y a donc un souffle brut et une ambition folle, notamment dans l’inventivité des combats et leur rythme dansé, mais aussi dans leur dimension épique et aventureuse, qui fait du film une fresque martiale furieusement graphique, opératique et iconoclaste.

Dans un récit plutôt attendu de bout en bout, Tsui Hark orchestre un chaos, celui d’une épopée barbare et tribale qui mélange les genres harmonieusement, ose les ruptures de ton en passant du naturalisme à la fantaisie, s’inspire autant du manga que du western, et impose une dimension panthéiste où la nature écrase les personnages dans des paysages immenses à perte de vue. Tout cela sans jamais abandonner la dimension humaine et existentielle de l’histoire.

Le chaos s’installe également dans l’image, quitte à bousculer notre vision en utilisant des raccords improbables, en chamboulant notre perception de l’espace à l’écran et en bouleversant notre appréhension du geste dans le champ. C’est donc une œuvre gigantesque et foisonnante, mais qui malheureusement, à cause de l'amputation du montage, donne un récit estropié et décousu dans lequel beaucoup d’éléments nous échappent et où la psychologie des personnages est simplifiée.


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