[Cinéma] DESPLECHIN Arnaud (1960-)

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Trois souvenirs de ma jeunesse (2015)


Trois souvenirs de ma jeunesse (2015)

Film de souvenirs et d’introspection, Desplechin s’intéresse à l’enfance et à l’adolescence de Paul Dédalus ainsi qu’à sa relation avec Esther. Ainsi, on peut voir le film comme un prequel à Comment je me suis disputé..., en faisant de Trois souvenirs de ma jeunesse une chronique romanesque qui aborde toutes les questions liées à un homme revenant sur sa propre subjectivité. Quelle est sa réelle identité et comment se fabrique-t-elle ? Quelle est la consistance de tous ses souvenirs ? Quel est le sens de sa vie ? Pour contribuer à ces réponses, Desplechin enclenche de nombreuses pistes narratives qui naviguent entre les époques, la quête initiatique, les traumatismes de l’enfance, les tourments adolescents et surtout la naissance de l’amour avec ses premiers émois et chagrins.

On retrouve ce goût pour l’abondance des mots, l’importance du verbe et de la citation, l’emphase des dialogues et de l’intellect, puis l’entremêlement de la littérature, de la philosophie, de la politique et de la psychanalyse. Mais tout cela est recyclé avec un goût ravageur pour la fantaisie, des échappées réjouissantes et imprévisibles (comme cette séquence en mode film d’espionnage rétro noir en pleine Union soviétique), un rythme musical où chaque phrase fait mouche, ainsi qu’une intimité et une sensualité mélancolique, comme le démontre l’élégance somptueuse des chairs filmées ou les échanges épistolaires électriques entre Esther et Paul, lorsque ce dernier se trouve à Paris pour faire ses études pendant que sa dulcinée l’attend vivement à Roubaix. C’est pourquoi l’auteur évite l’écueil du naturalisme pour se concentrer sur une palpitation de l’imaginaire, mais surtout en remontant le fil de la mythologie qu’il a créée.

Car Paul est devenu une sorte d’héros errant, plus taiseux que le prestigieux étudiant qu’il était, alourdi par le temps et le vieillissement, en quête d’un sens depuis qu’il a quitté Esther pour la rendre meilleure. On remarque dans cette exploration de ses souvenirs qu’il cherche finalement à restaurer et protéger la pureté, dont il fait son idéal, de cet amour de jeunesse contre la souillure de ses camarades de l’époque, qui avaient profité de la vulnérabilité d'Esther. En digne héritier de Truffaut, Desplechin fait son autofiction pour mieux aborder les questions insaisissables de l’amour et de cette altérité de la femme aimée, puis fait de son personnage, qui traverse le temps et sa filmographie, un aventurier fougueux d’une éducation sentimentale.


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