Annotations
Violent Panic : The Big Crash (1976)
Le Samouraï et le Shogun (1978)
Violent Panic : The Big Crash (1976)
Violent Panic s’inscrit dans le genre du Gurentai, dont Fukasaku est l’un des spécialistes. Un genre mettant en avant des gangsters sans idéologie et ne suivant aucun code d’honneur. Ce sont des gangsters mal élevés qui veulent tout de façon instantanée, et c’est le cas avec ces deux braqueurs dont l’urgence frénétique de l’ouverture et la musique qui pourrait sortir tout droit d’un western spaghetti rappellent directement le genre italien du poliziottesco.
Ce lien avec le style italien peut faire sens quand on sait que l’Italie et le Japon sont deux pays de l’Axe, et qu’ils ont tous deux une organisation criminelle
structurée et puissante, très ancrée dans leur société respective. Deux pays également qui ont connu leurs années de plomb avec les idéologies terroristes (les Brigades rouges en Italie et
l’Armée rouge japonaise au Japon). Au moment du film, les deux pays sont à la fin de ces idéologies, le crime devient alors gratuit et non politique.
Ainsi, c’est ce qu’expose l’œuvre : des criminels fonctionnant à l’adrénaline pure, qui enchaînent les braquages avec une énergie débordante, comme l’indique
l’esthétique très vive, tourbillonnante et chaotique de l’auteur. Par son rythme énervé et hystérique, le film montre une idée de la consommation qui s’installe dans la société japonaise : on
vole un magot, on le perd ou on le gaspille, et on en reprend un aussitôt. L’œuvre mélange également les tonalités entre cette violence intense, une romance à la Bonnie & Clyde, des récits
annexes mêlant érotisme trouble et perversion, de la comédie bouffonne, ou encore une course-poursuite finale rocambolesque avec des cascades et des carambolages, nous perdant totalement en
termes d’espace et de repères. Il est donc difficile de classer ce film dans un genre spécifique, d’autant plus qu’il est soutenu par plusieurs digressions narratives.
En entrant dans une société de confort, le cinéaste, avec cette violence panique et ce gros crash, en profite pour casser ces objets qui profitent à la société en
question. Dans un monde devenant peu intéressant pour Fukasaku, ce dernier met en évidence un derby de destruction total. Il y a donc une sorte de furie enragée dans ce geste nihiliste, mais
aussi un plaisir à tout briser. Ce geste va jusqu’à s’inscrire dans son Battle Royale où l’on ne voit plus seulement les idoles de la consommation chanter, mais aussi s’entretuer, comme
pour mieux dévoiler la facette sordide de la société du spectacle.
Le Samouraï et le Shogun (1978)
Encore une fois, Fukasaku questionne les notions de pouvoir et montre toujours de la défiance vis-à-vis de l’autorité. Marqué par la chute du système impérial après la Seconde Guerre mondiale, il s’attaque à un genre codifié dont il relancera la mode : le jidai-geki (film historique dont l’action se déroule durant l’époque Edo, située entre 1603 et 1868) et peut donc montrer comment les pouvoirs se (dé)construisent par la domination et la force à travers une exploration de la violence qui lui est propre dans un contexte totalement impérial.
Le contexte de l’époque, avec deux fils qui se combattent pour la place du shogun après l’empoisonnement de leur père, permet de scruter les systèmes hiérarchiques, de clans et de familles dans un jeu constant de domination, de répression, de complot, d’alliance, de contre-alliance, de meurtres, de retournements et de trahisons. C’est pourquoi il est impossible de s’identifier à l’un ou l’autre des deux clans en guerre, tant les indécisions et les incertitudes morales sont prégnantes. Même dans un genre statique imposé par la grandeur chorale des nombreux décors, des costumes et de la figuration (que le cinéaste maîtrise avec un scope grandiose), Fukasaku arrive, par moments, à donner une dynamique mouvementée en cherchant toujours une ligne de fuite dans le cadre, en déplaçant ce dernier par des secousses agressives, par une mise en scène tout en zoom et en caméra portée lors des combats, et en explosant la rigidité du genre par des transitions brusques de tonalité.
Cela est logique, car l’affect, les pulsions et la violence de ses personnages font craquer la façade dure imposée par ces systèmes implacables qui contiennent toute cette violence prête à déborder par ceux voulant s’émanciper d’une oppression qu’ils voudraient faire voler en éclats. Il y dévoile ainsi plusieurs types de violence : une violence froide, méthodique et statique contre une violence plus instinctive, frénétique et organique qui est de l’ordre de la contestation. Ce torrent de violence, de chaos et ce déferlement de passion peuvent être rapprocher d’un Kurosawa ou d’un Shakespeare, car Fukasaku va prendre à bras-le-corps son genre dans un souffle épique et une fresque imposante pour raconter avec un regard critique l’arrière-plan sordide et cruel de l’histoire officielle.
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