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A Bittersweet Life (2005)
A Bittersweet Life (2005)
Polar qui commence dans le sillage du Samouraï avec ce tueur à gages impassible et
froid, et dont la rencontre avec une femme pour laquelle il éprouve des sentiments va le faire dévier de sa trajectoire sans faille et de ses principes intouchables, A Bittersweet Life
rompt son rythme de déambulation hypnotique de papier glacé pour basculer dans un ballet sanguinolent et baroque avec une violence démesurée.
En effet, après s’être vu torturé, séquestré, puis enterré vivant par son gang, car il n’a pas obéi à l’ordre de tuer la maîtresse de son chef en cas d’infidélité, le personnage ressuscite pour
devenir un ange exterminateur qui va se venger méthodiquement de toutes les personnes qui ont contribué à son achèvement. La tournure est donc brutale, comme pour mieux interpréter la remise en
question de son protagoniste, qui a toujours vécu dans la soumission, la discipline, et qui se définit par le regard des autres. Le film prend donc une dimension christique, renvoyant au chemin
de croix des personnages mythologiques du western spaghetti.
Le film contient un charme séduisant et pourrait être vu comme complaisant, mais tout ce luxe chic est ce qui entrave la vie de cet homme de main de la pègre, qui doit parallèlement tenir un
hôtel-bar du nom de la « Dolce Vita ». Un titre en contrepoint et ironique lorsqu’on voit le déchaînement de violence qui forge l’œuvre. Le mariage des contraires est le fondement de ce film qui
vacille entre le froid et le chaud, le lyrisme et le graphique, le romantisme et la violence, le contrôle et le chaos. Ainsi, l’auteur hybride son objet en mêlant le film noir melvillien, le
thriller hitchcockien, le film de yakuza nihiliste, le sarcasme du western leonien, la castagne bestiale et les gunfights survoltés d’Hong Kong, puis le formalisme sombre et le désespoir poétique
du cinéma coréen.
Le tout est dosé avec une perfection éblouissante de laquelle naît un équilibre habile en termes de mise en scène et de perfection technique. Cela concilie le chemin rédempteur et chaotique de
son héros, pour qui le sentiment amoureux naissant est à la fois son expiation et sa perte. C’est ce que souligne la fin onirique et mélancolique de l’œuvre lorsque le héros voit l’arbre dont les
branches mouvantes signifient le mouvement du cœur, qui introduit le début du récit. Cette fois, il meurt apaisé, en ayant vécu un rêve irréalisable. Puis nous le voyons frapper son propre
reflet, comme pour signifier son combat perdu contre lui-même.
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