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Au crépuscule (2019)
Au crépuscule (2019)
Au crépuscule marque d'abord grâce au visage de son jeune personnage. Un visage affligé par le monde qui l'entoure et sans entrain. Sa peau laiteuse et juvénile se goupille avec les contrées froides et sèches de la campagne lituanienne. Barutas filme une terre âpre et dure, à travers les yeux de Unte qui se déplace, observe, se questionne, révèle et devient le témoin muet des drames et des horreurs qui se trament.
Le film traite du pouvoir communiste d'après-guerre qui répand la peur et l'oppression dans un petit village où le jeune homme habite avec son père fermier. Le jeune homme se rapproche d'un groupe de résistants se cachant dans la forêt voisine. Malheureusement, c'est un monde où tout est déterminé, comme si la mort ne pouvait qu'advenir, car tout est trop tard et déjà sans espoir : les protagonistes n'ont aucun pouvoir sur ce qu'il se passe, la famille de Unte est hanté par des drames du passé comme dans une œuvre de Tchekov où se mêle mensonge, trahison, haine et adultère, les résistants sont victime de trahison au sein même de leur groupe désespéré et loin d'être héroïque, le village est d'une navrante pauvreté, etc.
Avec tout cela, le film a des airs de Requiem pour un massacre, car nous suivons la trajectoire d'un innocent dont le visage se détériore au fur et à mesure qu'il se plonge dans les méandres misérabilistes de la guerre. Par contre, Barutas s'éloigne de la violence brûlante de la guerre que Klimov réalisait avec une virtuosité vertigineuse, pour lorgner vers un lent appesantissement, une violence sous-jacente et une langueur infertile, mais tout de même bouleversante.
Dans des très belles scènes éclairées par un clair-obscur pictural, sensuel et confessionnel, l'auteur imprègne toute la tristesse et la mélancolie des personnages, notamment le père ayant un passé douloureux et une vie morne. L'érotisme et la chaleur ne sont jamais loin, mais le réalisateur donne une grande pudeur et une économie rythmique pour soutenir la qualité splendide des poses, des longs flottements, des paysages teintés par des crépuscules fragiles, des regards et des dialogues silencieux. C'est pourquoi, le malheur du pays s'inscrit dans les visages scrutés de ces êtres d'une terre mourante et d'une civilisation perdue. Malgré ce lourd sujet, l'austérité esthétique n'est pas plombant, car il y a une beauté ténue et des courts moments de grâce, comme ces grands oiseaux blancs volant dans le ciel et qui établissent la ligne de fuite d'une montage.
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