[Cinéma] ŻUŁAWSKI Andrzej (1940-2016)

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Le Diable (1972)

L'Important c'est d'aimer (1975)

Cosmos (2015)


Le Diable (1972)

Pour son deuxième long-métrage, Żuławski réalise Le Diable, une œuvre qui prend place à la fin du XVIIIe siècle en Pologne lors de la guerre contre les Prussiens. Le cinéaste polonais compose un chaos cauchemardesque et horrifique, cela dès le début lorsque Jakub, le personnage principal, se fait libérer d’une prison en feu et en sang par un étrange prêtre. L’univers conduit par un Żuławski transgressif est totalement désolant et composé d'une folie harassante où la mise en scène tourbillonne et virevolte pour mieux faire sentir l’hystérie générale de ce monde en décomposition. C’est progressivement, quand Jakub découvre que son quotidien n’est plus le même à cause de son écroulement, qu’il devient un meurtrier car il est poussé par une entité luciférienne. Cette énergie meurtrière est à la fois sanglante et sauvage, le cinéaste filme sans concession, dans une transe macabre, son protagoniste qui est entouré par un milieu tout autant désespéré. L’humanité, pour l’auteur, est un cirque, un cirque à détruire même sous la douleur afin de redonner espoir à l’humanité, car le diable est partout, dans les paysages abandonnés et dans la nature pulsionnelle et violente de l’Homme.


L'Important c'est d'aimer (1975)

Comme dans tous les films de Żuławski, nous sortons bousculés de ses expériences. L'important c'est d'aimer ne fait pas exception à la règle, en conduisant un récit sur des êtres incapables de s'aimer, troublés par l'amour et qui se repoussent sans cesse, mais veulent en même temps se serrer les uns contre les autres.

 

Nadine est une actrice ratée mais talentueuse, obligée de faire du soft porno jusqu'au jour où elle décroche un rôle pour une pièce shakespearienne, mais elle sera détruite par la critique. Servais, un photographe faisant des photos ne mettant pas en valeur son art (des photos grivoises). Jacques, l'époux de Nadine, est un clown triste coincé entre les deux. Żuławski, au travers de ce récit amoureux, parle d'un monde du spectacle totalement détourné, voyeuriste et malsain. En effet, c'est une œuvre de destruction, un mélodrame bouleversant et un objet baroque au romantisme noir. Nadine se détruit en ne voulant pas aimer Servais, elle détruit ce dernier qui l'aime et Jacques est détruit par sa jalousie et la pitié de cette dernière, comme le montre son tragique suicide.

 

Le monde décrit par le cinéaste est désespéré, douloureux et morbide (les personnages sont souvent dans des lieux clos, moisis et sordides) mais il reste toujours de l'espoir, comme cette magnifique conclusion avec le « je t'aime » de Nadine à Servais, alors que ce dernier baigne dans son sang. Le cinéaste fait un écho cette fois positif à la première scène où la femme, tournant un film érotique glauque, doit dire « je t'aime » à un homme ensanglanté. Incapable de le dire, c'est là que se basent les thèmes de Żuławski, celui de l'incommunication et de la souffrance des êtres à s'aimer. Cette fin est une libération et un moment de paix lumineux et bouleversant.

 

Le film fait également une mise en abyme vertigineuse entre Schneider et son personnage, car le reflet entre les deux femmes est troublant avec ce jeu de renvoi constant. Ce sont deux actrices enfiévrées, vieillissantes et détruites par la vie. Avec elles, Żuławski fouille les questions de la représentation de la réalité, de l'acting et de la mise en scène du réel. Enfin, la folie parfois excessive, le lyrisme extravagant, le comico-tragique d'un monde absurde, le sentiment charnel, le rythme convulsif, l'inconfort violent et la pulsion furieuse de l'art du réalisateur polonais se retrouvent dans sa première œuvre française, mais de manière plus onduleuse.


Cosmos (2015)

 Film testamentaire pour le cinéaste polonais qui réalise un pur delirium abstrait entre comédie surréaliste et suspense hitchcockien sur deux hommes allant dans une pension familiale pour y passer des vacances. Ce film complètement tordu est travaillé par une mise en scène aux mouvements gymnastiques et lyriques, un montage aux nombreuses ellipses et un jeu d’acteur loufoque où chaque comédien est poussé dans ses retranchements. Difficile de comprendre l’ensemble du projet, mais Żuławski laisse entrevoir des thèmes chers à son cinéma comme le désir dangereux de l’amour, l’obsession créatrice et la folie tortueuse des sentiments. Ses nombreuses références, passant de Gombrowicz (dont il adapte le roman), Le Rouge et le Noir, Pasolini ou encore Bresson, donnent à cette complexité baroque où tous les cadrages déploient les pensées exubérantes des protagonistes. Par conséquent, il est préférable de lâcher prise devant le long-métrage pour mieux s’émanciper dans ce labyrinthe mental qui assume son non-sens et son imbroglio cinématographique.


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