[Cinéma] HOPPER Dennis (1936-2010)

Annotations

Easy Rider (1969)

The Last Movie (1971)

Hot Spot (1990)


Easy Rider (1969)

Easy Rider est l'emblème culte et iconoclaste, autant pour sa liberté économique, narrative et formelle, du Nouvel Hollywood, du road movie et d'une époque contestataire aux illusions déjà perdues. De Los Angeles à la Nouvelle-Orléans, deux bikers issus de la génération beatnik traversent les États à la recherche d'une liberté totale. Ils longent les espaces infinis de l'Amérique sur une mélodie folk, font des rencontres, des découvertes et poursuivent une chimère inatteignable.

 

La poésie légère et désinvolte de ce début de périple devient progressivement amère lorsque les deux hommes découvrent les profondeurs de leur pays. Face à des hippies sectaires (renvoyant à la secte de Charles Manson et au terrible meurtre de Sharon Tate, qui signent de façon congénitale la fracture avec les espérances du Nouvel Hollywood), des rednecks violents et remplis de préjugés ou encore un trip hallucinatoire cauchemardesque, le chemin devient fatalement destructeur. Les cavaliers traversent des territoires vides qui résonnent comme une liberté, mais ces territoires deviennent au fur et à mesure menaçants à cause du silence qu'ils procurent. L'œuvre est composée de contrepoints, car formellement parlant, elle est dissonante. On passe de longues plages musicales à des recherches d'images canoniques du western, puis à des raccords faits par des coupures rapides et elliptiques, un aspect documentaire réaliste ou encore des élans expérimentaux hallucinogènes.

 

Objet également d'introspection, les personnages questionnent leur existence autour du feu de camp, voyant qu'ils ont échoué, comme l'indique l'énigmatique : « We blew it ». Par conséquent, les personnages ne peuvent s'intégrer nulle part et doivent obligatoirement continuer leur errance. Leur expérience ultime de la liberté devient une expérience sacrée les menant vers des échecs vains qui répondent à leurs interrogations, mais surtout les dirigeant vers une mort certaine.


The Last Movie (1971)

The Last Movie suit Kansas, un cascadeur tournant un western au Pérou. Après ce tournage, il décide de continuer sa vie dans ce nouveau pays, afin de repartir à zéro. Comme dans Le Mépris, le film d'Hopper parle d'une mise en abyme du cinéma et d'une vision de la fin du cinéma, qui se joue à travers la dissolution relationnelle d'un couple et l'autodestruction d'un homme.

 

Le film est à la fois très funèbre et festif dans son approche. Hopper fait constamment un parallèle avec la décadence d'Hollywood dans une grande vision en puzzle et sous LSD. C'est pourquoi la frontière entre fiction et réalité joue sur cette perte des repères, comme le montrent les villageois péruviens qui tournent un faux film après avoir vu le vrai tournage auquel participait Kansas. La violence devient réelle et le tournage se transforme en un sacrifice à un rituel païen complètement dingue.

 

L’œuvre aborde ce que peut être un tournage chaotique, autant dans le film lui-même que dans les réelles conditions du tournage d'Hopper, qui sont visibles à l'écran. Le film désarçonne par son film dans le film (le western réalisé par Samuel Fuller), qui engendre un faux film dans le film que réalisent les autochtones avec un équipement de pacotille. De ce fait, The Last Movie parle aussi du simulacre, de la souffrance inexplicable des êtres, des promesses non tenues par le cinéma, des idéaux jetés au cimetière du rêve américain (à l'image de la contradiction de Easy Rider, où l'espoir de liberté s'éteint avant même que celle-ci ne puisse commencer), et du pouvoir corrupteur de l'Occident et de son influence immorale. La vision que le réalisateur donne de la cupidité américaine, de leur quête de richesse, et l'idée des Péruviens qui copient le modèle de consommation occidental en est une bonne traduction.

 

Le cinéaste vacille entre des visions idylliques et panthéistes de l'amour (Kansas rêve de pureté et de s'installer loin de la civilisation) et une perception cauchemardesque composée d'hallucinations, d'orgies, de violence, de perversion et d'ivresse. Le spectateur peut facilement se perdre entre les jump cuts, la narration à la temporalité brisée, les (dés)illusions enfiévrées, les fractures spatio-temporelles, les trips délirants, les séquences qui se répètent et les ellipses disparates et volontairement incohérentes. Ainsi, c'est une mise en scène à la radicalité confuse, à l'instar de ce monde confus et abstrait dans lequel plonge cycliquement l'auteur et son alter ego.


Hot Spot (1990)

Dans Hot Spot, Hopper rend hommage aux films noirs et les mêle avec le genre du thriller érotique. C’est sous le soleil suintant et brûlant du Texas que l’auteur pose sa caméra, afin de suivre le charismatique Don Johnson, en vagabond mystérieux qui profite de sa tchatche, de son physique et de son intelligence pour braquer des banques dans des petits bleds miteux et moites du Dirty South. Dans ce récit triangulaire, l’homme se voit tiraillé entre deux forces contraires, deux femmes inconciliables mais magnifiques, la blonde vénéneuse et manipulatrice, et la brune faussement naïve et effarouchée. Ces figures archétypales font transparaître tout le caractère chaud et volcanique du récit, mais aussi la dimension perverse qui se cache derrière un jeu latent de séduction, de désir, de chantage et de sensualité. Climat incendié, lente suavité, délectation sophistiquée et vibration des couleurs parcourent ce chemin empoisonné dans lequel se laisse piéger le personnage. Ce dernier est pris dans un dilemme torride, entre l’édénisme amoureux et le luxe sexuel, faisant du film une œuvre délicieuse sur une Amérique impure, bloquée dans ses tentations et sa violence.


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