Annotations
Classe tous risques (1960)
Max et les Ferrailleurs (1971)
César et Rosalie (1972)
Classe tous risques (1960)
Considéré comme le premier film officiel de Sautet avant qu'il fasse ses chroniques délicates, Classe tous risques contient quelques ingrédients de l'auteur, malgré les principes bien codés du polar dont il dépoussière le genre sans le déconstruire. Il instaure une dimension humaine au milieu de la cavale sans fin de Lino Ventura, en traitant de la déchéance de celui-ci. En essayant de fuir un pays d'où il est poursuivi, il emmène ses enfants et sa femme, mais il les contraint à vivre un calvaire à la fois traumatique et tragique. C'est un homme qui essaie d'avoir une vie quotidienne et familiale normale, mais sa traque perpétuelle ne le permet pas.
Honteux de sa situation, il sait que sa mort est inéluctable. C'est pourquoi, l'auteur instaure une violence sèche et âpre venant tout droit du cinéma américain. L'œuvre contient une solidité qui s'accroche à un suspense efficace, tout en démythifiant le milieu de la pègre pour se délester de tout folklore ou romantisme. Le fait d'imposer une condamnation à mort en sursis au personnage permet d'en faire un sujet pathétique, ne voyant aucun échappatoire à sa condition.
Il y a quelque chose de suicidaire et de dur dans sa posture, la solitude d'un homme taiseux, abandonné par des amis traîtres qui n'ont plus de code d'honneur et d'amitié (un rôle qui va comme un gant à Ventura, un rôle à la fois melvillien et giovannien), excepté le personnage de Belmondo qui va l'aider comme il le peut. Ce film sans gras ni fioriture contient une noirceur avec une épure, une netteté narrative, un goût de l'ellipse et des gestes, qui fait de cette course sans issue et fatale le chemin d'un homme fatigué, sans avenir et dont la vie se délite inéluctablement.
Max et les Ferrailleurs (1971)
Avec sa deuxième magnifique collaboration Piccoli-Schneider, Claude Sautet embrasse de nouveau le genre du polar pour offrir une œuvre authentique sur l’obsession d’un flic à vouloir piéger un groupe de misérables à la conquête d’argent facile. Ce flic est l’inspecteur Max, un homme frustré par une justice trop molle, seul et maussade, prêt à manipuler une prostituée pour construire un guet-apens sous forme de braquage et à attraper ce groupe de petit délinquant. Comme à l’accoutumée, le cinéaste fait vivre de façon spontanée son cadre, regarde avec fluidité et générosité ses sujets, mijote une poésie du quotidien et de l’authenticité ou encore s’approprie la vérité communautaire d’un milieu (ici un milieu marginal de précaire mécano-chiffonnier). Le contraste est fort entre la joie de vivre festif et fraternel du groupe et de la solitude de Max, qui a pour seule compagnie la rayonnante et fragile Lily. Cette dernière donne une part d’humanité au personnage, à l’image de son sacrifice final, procurant une forme de complexité changeante dans les sentiments du duo. De ce fait, Sautet démontre toute la frénésie de la vie et comment un homme idéaliste ne peut en profiter à cause de sa soif inébranlable d’impartialité.
César et Rosalie (1972)
Avec César et Rosalie, Claude Sautet réalise l’histoire d’un triangle amoureux tendre et chaotique avec un parfait équilibre dans son ton. Romy Schneider, toujours radieuse, se voit partagée entre deux hommes. D'un côté, Yves Montand en homme macho, confiant et entreprenant puis de l’autre, Sami Frey, en amour de jeunesse romantique, sensible et mystérieux. L’œuvre contient une fièvre changeante, à l’image des tonalités variées tout en rupture de ton. On passe de la joie à la gravité, de la sérénité à l’inquiétude, de l’amour à la violence, de la certitude à l’indécision, en un claquement de doigts. Le cinéaste part de la banalité du quotidien pour scruter toutes les caractéristiques de la passion amoureuse avec une fluidité d’une mobilité extraordinaire. En effet, le film est dans un mouvement constant, à l’instar de ses personnages hésitant entre dépendance, engagement et liberté. Le tout se fait dans une grande célérité, comme s’il était urgent de trouver l’autre avant de le perdre et pour prouver la sincérité de ses sentiments. L’auteur prouve à quel point la jalousie et le désir peuvent faire déraper notre nature humaine, mais toujours en gardant le cap d’une comédie sentimentale, à la fois chaleureuse et discrète.
Écrire commentaire