Dans un chapitre qu'il nomme « Devenir un chevalier ! », Papacito écrit que son recueil n'est pas seulement un plaidoyer poétique ou un exercice contemplatif, mais qu'il est également un manifeste, voire un manuel révolutionnaire pour le lecteur. Jonglant d'un chapitre à l'autre entre les récits historiques afin de montrer en quoi le Moyen Âge est une période prodigieuse, et des pensées essayistes faisant le parallèle entre la période médiévale et notre époque pour que celle-ci puisse en prendre exemple, Papacito n'est pas là pour être dans la nuance, l'objectivité, ni pour prendre gentiment par la main. En effet, sa vision est frontale, coup-de-poing et percutante, à l'image de sa page de couverture complètement explosive et volontairement kitsch et de son utilisation d'un argot très violent et drôlement vulgaire, mais toujours lyriquement épique. Papacito utilise une période qu'il admire pour gueuler tout son dégoût pour notre société post-moderne. Il veut que l'on prenne conscience de la surabondance de progressisme qui nous autocensure, nous maltraite intellectuellement et, pour utiliser sa manière de s'exprimer, « nous coupe les couilles ». Il nous invite à devenir des hommes valeureux comme ont pu l'être tous ces rois et chevaliers qui se battaient pour un idéal et pour une nation. Le fait de prendre pour exemple des personnalités historiques, devenues pour certaines des icônes, permet de mieux comparer notre pays, qui a perdu ses nobles valeurs.
Mais il est difficile, lorsque nous ne sommes pas spécialistes de l'Histoire, de voir les erreurs ou les approximations que peut faire l'écrivain. Personnellement, j'ai pu relever des erreurs maladroites, comme par exemple le fait de dire, dans le chapitre sur la croisade albigeoise, que le fils de Philippe Auguste est Philippe le Bel, alors que ce dernier est son arrière-petit-fils (pourtant il sait très bien que Louis VIII est son fils et que Saint Louis est son petit-fils, car il consacre tout un chapitre au grand roi chrétien). Je note également des jugements hâtifs et contradictoires : pour Papacito, Hugues Capet ne méritait pas le trône car il n'est pas un Carolingien légitime, alors qu'il est tout de même le descendant de prestigieux hommes comme Robert le Fort (son arrière-grand-père) et Eudes de Paris (son arrière-grand-oncle, qui fut roi des Francs entre 888 et 898). Ces derniers ont repoussé courageusement, et le premier jusqu'à en mourir, les invasions vikings. Il fait également passer Hugues Capet pour un lâche, car il n'a pas voulu affronter directement Charles de Basse-Lotharingie (descendant carolingien plus légitime) en face-à-face comme un homme. Il a préféré utiliser la ruse pour le piéger et mieux asseoir son pouvoir. Certes, on peut y voir un geste de lâcheté, mais en même temps, un roi doit être stratégique, voir les avantages à éviter un combat pour en gagner un autre.
Ce genre de paradoxe peut être gênant, surtout lorsqu'on lit son introduction où il décrit ce que doit être un homme total : un mélange d'individu instruit et civilisé, ayant de la finesse et une conscience des protocoles sociaux, et d'individu barbare, brutal et instinctif, qui conserve un rapport à la violence. Il le dit lui-même, l'homme barbare manque de rigueur, de vision à long terme, et de capacité à penser un modèle de société, contrairement à l'homme rusé. Alors pourquoi critiquer des rois qui n'étaient pas guerriers, mais qui avaient une vision intelligente pour garder le pouvoir et renforcer le royaume ? On peut penser à des rois comme Charles V, dit le Sage (qu'il ne critique pas, mais qu'il met à peine en avant dans son chapitre consacré à Bertrand Du Guesclin), qui a réussi à réparer les nombreux dégâts causés par Jean II le Bon, roi honorable et chevaleresque, mais roi qui, par ses grosses défaites et sa mauvaise gestion financière, a failli livrer la France à l'Angleterre lors de la première partie de la guerre de Cent Ans. Tous les rois n'étaient pas forcément guerriers, mais cela n'enlève pas la qualité de certains rois qui, par leur intelligence, ont bâti la grandeur de la France.
Il fallait mettre en avant les défauts que l'on peut trouver dans l'ouvrage, mais pour le reste, le livre est convaincant sur de nombreux points. Car évidemment, il ne faut pas voir Crépuscule des Titans comme un livre d'histoire, mais un livre qui utilise le Moyen Âge pour donner la vision philosophique de son auteur sur le monde actuel. Ainsi, sa vision de la justice est tout à fait clairvoyante, montrant le laxisme prédominant de la République française (celle qui pardonne aux bourreaux du Bataclan, celle qui permet à des ignobles êtres de ricaner pendant leur procès alors qu'ils ont assassiné des innocents sur la Promenade des Anglais, ou encore celle qui permet à des OQTF de sortir de prison, leur laissant le champ libre pour violer et tuer de nouveau, alors qu'ils étaient condamnés pour les mêmes motifs), tandis que la justice du Moyen Âge ne s'embêtait pas à se salir les mains pour punir ceux qui le méritaient. Peu importe si Papacito donne une vision idéalisée de la justice pendant cette période, il veut surtout critiquer l'approche peureuse de la République pour punir les êtres qui le méritent. La souffrance d'un condamné violeur et tueur, puis sa condamnation, permettent de célébrer le miracle de la vie, car en échange d'avoir volé la vie d'un innocent, la vraie justice prendra la sienne, permettant aux victimes de pleurer comme il se doit leurs morts et de faire un véritable deuil. Voilà la vision de l'auteur, qui peut être déconcertante, car elle nous extrait d'une zone de confort dans laquelle nous avons été biberonnés pendant longtemps.
Il faut également mettre en avant la qualité passionnée de Papacito à créer des moments qui nous serrent à la gorge. Le chapitre sur la première croisade en est un parfait exemple, car il progresse d'abord d'une manière satirique et pleine de gouaille, toujours en s'amusant à faire des anachronismes pour vulgariser et rendre divertissant le passage historique, jusqu'à une conclusion sous forme de pathos exaltant et émouvant. Il revient vers quelque chose de primitif et d'une beauté naïve bouleversante quand il nous décrit ces Français d'avant, traversant un « Vietnam médiéval » dans une grande violence, pour revenir vers l'essence de leur idéal : « toucher une pierre du Saint-Sépulcre et en gagner un souvenir brûlant, éternel et irradiant dans sa chair. S'abreuver de sable, de soif et de soleil, puis poser son front en larmes contre le tombeau des tombeaux ». De même, lorsqu'il décrit la beauté des cathédrales fondées par nos ancêtres, des constructions monumentales que beaucoup n'ont pas pu voir finalisées. Ces hommes rêvaient de toucher le ciel en transmettant leur savoir à ceux d'après, car ils savaient qu'ils ne pourraient pas voir ce qu'ils avaient commencé à bâtir, et ainsi de suite. Leur croyance en Dieu était si forte, et leur capacité à transmettre leurs valeurs à leurs descendants tout autant, qu'ils mettaient toute leur énergie et leur âme dans leur art afin d'édifier des chefs-d'œuvre intemporels. Mais ces anciens rêves ont disparu au fil du temps, face à ces tristes hommes modernes qui s'amusent, par exemple, à voir Notre-Dame de Paris, donc notre patrimoine culturel et notre fierté nationale, brûler.
La force du livre se trouve dans cette manière de faire rire abondamment le lecteur, de créer de manière inventive punchlines sur punchlines, pour toujours mieux diriger son message vers des propos existentiels, en allant vers des pamphlets très matériels et très métaphysiques. Il aime faire ressentir le côté « couillu » de cette époque avec une imagerie héroïque, légendaire et homérique, utilisant une violence verbale ordurière et outrancière qui peut secouer de plein fouet le lecteur. Il y a donc évidemment de l'hyperbole et de l'exagération, mais elles sont toujours au service d'un propos intelligent. Tout le chapitre sur les sens de l'homme médiéval en est un bel exemple, car il démontre l'importance d'une époque qui savait faire un avec son environnement, ses sens et les éléments de l'univers qui l'entouraient, contre celle d'un monde moderne stimulé en permanence par de multiples facteurs artificiels. Une époque où l'on ne sait plus regarder, écouter, savoir être silencieux, sentir, élever et tuer une bête pour se nourrir, et manger simplement avec des produits sains qui viennent de notre jardin. Sa notion de la mort est également merveilleuse, celle de mourir dans la fierté, car comme il le dit : « Mourir c'est aussi trouver une forme d'éternité, car bien que l'on ne vive pas éternellement, on est éternellement mort ». Ce genre d'extrait permet de voir surtout que Papacito nous questionne sur ce que l'on souhaite laisser à notre avenir et aux générations futures. Préfère-t-on un confort douillet, être lâche et ne jamais prendre de risques, ou préfère-t-on mourir en héros, car « il n'y a que des actions de vie et de mort qui font l'Histoire » ? Évidemment, c'est une image : aujourd'hui, on ne meurt plus pour un roi, de la gloire ou encore une croisade, mais il peut y avoir une mort symbolique à l'intérieur de nous si nous ne nous rappelons plus de ce qu'ont pu faire nos aïeux. Prenons alors exemple sur eux pour vivre comme un chevalier et être fier de ce que nous allons laisser après notre mort.
Pour conclure, Crépuscule des Titans est une façon pour Papacito de défendre ses idées politiques et sa philosophie de vie à partir du Moyen Âge. Vision exagérée et fantasmée, probablement, mais il n'en demeure pas moins que l'auteur casse aussi cette image négative que l'Éducation nationale nous a donnée de cette période, toujours vue par son prisme obscurantiste. Pourquoi critiquer autant cette période, alors que beaucoup de nos politiques français actuels ne sont que des carriéristes vicieux et lâches, laissant la possibilité à des terroristes islamistes et des terroristes culturels de sévir en France ? Pour s'opposer à cela à notre échelle, il faut rendre honneur à nos ancêtres, renouer ce lien coupé avec nos vrais pères, car ils sont vivants, quelque part, et brillent dans les ténèbres.
Écrire commentaire