[Cinéma] KUSTURICA Emir (1954-)

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Underground (1995)


Underground (1995)

Underground est à la fois une fresque bruyamment enivrante et une épopée politique à l'instinct animal, qui, sur près de trois heures, dénonce de manière baroque les conflits idéologiques et les impostures politiques de l'ex-Yougoslavie. En effet, l'œuvre, poétiquement outrancière, est un carnaval absurde épousant une constante apothéose visuelle et sonore qui, à travers cette fanfare géante, fait traverser une partie oppressante de l'histoire du pays. Kusturica propose un conte humaniste aux airs d'une abondante kermesse, pouvant aller du drolatique et du burlesque à la douleur mélancolique d'un peuple ayant souffert sous un régime totalitaire. Il montre en quoi l'humain peut vouloir contrôler le monde, mais ne peut, décidément, pas le faire. Cette farce tragique est construite dans de grands effets comiques alors que les situations n'invitent souvent pas à cela, comme le fait de filmer un collectif gargantuesque festif alors que les bombes explosent.

Divisée en trois grandes parties, de la 2e Guerre mondiale en traversant la guerre froide et jusqu'à la guerre de Bosnie, les différents visages des personnages se métamorphosent. C'est à travers le point de vue de deux bandits à la criminalité enfantine puis despotique que nous suivons ce long récit baigné de sang, de fougue, de cynisme, de joie, de haine et de folie. Le mensonge et la trahison prennent le pas sur ce monde souterrain à partir duquel Marko, l'un des protagonistes principaux, gère son trafic d'armes en les manipulant et surveillant (typique reflet des tyrans et de la propagande de ces régimes), car c'est sur un mensonge qu'il fait vivre, après la guerre, toute une troupe de résistants dans un souterrain bricolé, au milieu d'un Belgrade turbulent et fumeux.

D'une certaine façon, le souterrain est la vie réelle et dehors, c'est la fiction. Quand un personnage est libéré, il est confronté à la fiction de l'extérieur et pense que c'est la réalité, comme le démontre, par exemple, le quiproquo sur le tournage d'un film de propagande. Finalement, chez l'auteur, les hommes et les femmes sont voués au cycle de la violence et du chaos jusqu'à cette fête uchronique où tout le monde se réunit dans un banquet qui lie les vivants et les morts.


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