Annotations
Haute pègre (1932)
Haute pègre (1932)
Haute Pègre (Trouble in Paradise en V.O., titre mieux adapté au sujet) est d'une rare précision sur les dichotomies et manipulations sentimentales
entre un gentleman cambrioleur, sa femme également voleuse, et une victime de leur criminalité : une veuve riche et séduisante dont Gaston tombe sous le charme, rendant forcément Lilly
jalouse.
Le film contient une légèreté charmante et nous plonge dans un théâtre mondain baigné d'ironie et de sous-entendus. Le paradis est celui de ce cadre idyllique : la
ville de Venise avec ses palais luxueux et son atmosphère romantique. Mais rapidement, Lubitsch casse cet idéal en détournant des clichés hollywoodiens, en réalisant un conte de fées immoral ou
en nous piégeant dans une satire sociale sur la Grande Dépression. C'est également une œuvre sur l'illusion, le déguisement et la tromperie, comme le démontre le personnage de Gaston qui se
déguise en aristocrate, puis prétend qu'il est pauvre pour devenir secrétaire. On peut aussi noter le jeu des éléments s'incrustant dans un processus sophistiqué et pétillant, au sein d'une
narration qui suggère, provoque intelligemment et nous fait croire que nous voyons des choses que le champ n'expose pas.
En effet, le cinéaste exerce une perfection dans l'art de l'ellipse, de la fluidité, du déplacement et du décalage, en jouant sur la présence ou l'absence d'un
personnage dans le plan, sur le jeu de la mémoire, sur une mise en scène rythmique ou encore sur les musiques et les objets qui remplacent les dialogues. Par ce style habilement magique, l'auteur
exprime, à travers ces artifices, ce que les personnages n'osent pas confesser et révèle ainsi avec malice leurs sentiments. Le désir amoureux dérègle les rangs sociaux, car les personnages
changent de rang social en fonction de l'interlocuteur. Mais le véritable amour est celui entre les deux voleurs, deux voleurs s'amusant à se voler des choses, comme une manière de se tester
érotiquement et de jouer sur un comique de répétition.
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