Annotations
Le Troisième Homme (1949)
Le Troisième Homme (1949)
Le Troisième Homme marque d'abord par la collaboration du cinéaste avec Orson Welles, à qui on a souvent prêté des choix artistiques sur le film alors qu'il n'a touché qu'à très peu de choses. Mais son côté séduisant et maléfique, son sourire charmeur, ses apparitions peu nombreuses mais magiques et théâtrales, son esprit manipulateur empreint d'un magnétisme suave et fabulateur font de son personnage un pur portrait wellesien. Bien sûr, le jeu expressionniste d'ombres et lumières ou les cadrages obliques instaurant un malaise peuvent faire penser au style de Welles.
Mais le film de Reed est d'abord une œuvre typique du film noir, avec l'enquête de cet écrivain alcoolique qui tente de trouver la réelle cause de la mort de son ami, mais qui va se rendre compte qu'il est piégé dans un traquenard mystérieux fait de mensonges, de trafics, de rencontres douteuses, de dangers et de révélations accablantes. De plus, Welles utilise l'espace et les décors pour épouser les névroses et les obsessions de ses personnages, alors que Reed va préférer l'ambiance pour faire peser cette atmosphère sur ses sujets. On le voit particulièrement par le contexte réaliste du film : la douloureuse reconstruction d'une Autriche en ruines et occupée par les grandes puissances alliées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ensuite, la célèbre musique à la cithare procure une originalité en implantant une tonalité plus modeste, distanciée et ironique qui contraste avec les enjeux dramatiques du récit. Ce choix colle aussi à la déchéance, à la mélancolie et au désarroi d'un pays dévasté.
Ainsi, le film jongle entre la dimension crapuleuse et corruptrice des bas-fonds viennois, en prenant en compte le désenchantement existentiel de son personnage, impuissant dans sa quête kafkaïenne et dans ce triangle amoureux où fidélité, amitié et loyauté sont contrariées ; puis une imagerie baroque qui instaure une forme cauchemardesque dans un jeu de cache-cache ombrageux fait d'apparitions et de disparitions, comme cette longue scène de poursuite anthologique dans les égouts. Le film veut alors montrer la déliquescence morale et criminelle d'une époque traumatisée et en pleine interrogation métaphysique sur sa propre existence, à l'image du personnage qui poursuit désespérément une légende chimérique sans jamais pouvoir la saisir.
Écrire commentaire