Annotations
Beetlejuice (1988)
Batman (1989)
Batman : Le Défi (1992)
Beetlejuice (1988)
Toute la patte burtonienne est dans Beetlejuice, celle d'une poésie macabre et d'une dimension horrifique avec sa touche subversive dissimulée sous une comédie familiale. En dévoilant l'envers du décor de la mort, après le décès d'un couple venu de la campagne, Burton titille un humour noir où le monde des morts est une société bureaucratique, à la fois contraignante et chargé d'obligations, faisant le parallèle avec le monde des vivants. Mais elle est surtout empestée par une entité surexcitée et outrancière : Beetlejuice. Ce dernier incarne la partie obscure d'un film devant être à l'origine plus immoral et cauchemardesque, mais préféré par une ambiance, obligée par les studios, plus candide. Pourtant, le personnage distille une jubilation dans cette histoire de fantôme inversée (le couple-fantôme est positif et se fait oppresser par des vivants hypocrites et pédants, excepté leur fille ténébreuse) en pointant du doigt le conformisme consumériste des années 80. Sa grossièreté enclenche toute cette tendresse baroque d'une inventivité extravagante et aux effets authentiques. L'œuvre est un tourbillon excentrique qui foisonne d'idées délirantes et parle du détachement matériel pour trouver le bonheur et son nid familial, même après la mort.
Batman (1989)
Le film de super-héros, sous la patte de Burton, devient un carnaval géant, complètement fou et extravagant, comme le démontre déjà ce Gotham qui se transforme en mégalopole pleine de charme dans son design artisanal entre studio et carton-pâte. Cette excentricité, on la doit ensuite à un Joker pimpant, avec son costume violet, ses gadgets loufoques et son goût pour l’art. Nicholson l’interprète avec sophistication et rajoute de la couleur à cet être dément et fêtard. Son némésis, Batman, fait l’hybridation entre cette joyeuseté pop et fantaisiste qui exalte tout au long du film et l’esprit plus ténébreux et gothique planant dans l’atmosphère expressionniste composée par le cinéaste. L’opposition est iconique, et Vicky, la journaliste qui tombe sous le charme de Bruce, rajoute du piment, car la rivalité entre les deux personnages va au-delà d’une idée idéologique : elle est une rivalité charnelle. Joker, sous son sourire sadique, cache un profond désir, comme en témoigne cette danse dans la cathédrale lugubre, digne de La Belle et la Bête. L’œuvre a donc un esprit schizophrénique dans ses personnages, son ambiance, son esthétique, sa musique et ses scènes : des choix reflétant la double identité qu’a toujours incarnée la mythologie batmanienne.
Batman : Le Défi (1992)
Amoureux des monstres, Burton porte une tendresse infinie pour ces derniers. C’est le cas dans la suite de son Batman avec le Pingouin, composé d'un corps difforme et trapu, d'un long nez, de mains palmées et d'une peau poisseuse. Abandonné dès sa naissance, rejeton de la société vivant avec sa cour et ses animaux dans les égouts, il cherche à atteindre une quête identitaire troublante, entre empathie et chaos. Cette recherche s’entrave chez Batman mais aussi chez Selina, alias Catwoman : d’abord une secrétaire bêta, elle est rejetée par la gent masculine et se métamorphose en une héroïne sulfureuse et vengeuse. Wayne, lui aussi orphelin, se bat pour ne pas succomber au mauvais sort et se laisse entraîner dans sa confrontation sensuelle avec la femme-chat. L’auteur sécrète une poésie macabre, faite de freaks et de fantasmagorie, dans un ton de conte de Noël qui se transforme en un Halloween funèbre. Burton instaure une dimension tragique et torturée, tout en gardant un ton décalé très circus show pour exposer une politique véreuse représentée sous les traits vampiriques du vrai bad-guy, Max Schreck. Sombre et envoûtant, funeste et drôle, ce film est un beau conte de fées héroïque, très burtonien.
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